Nadine Chaboussie : Douce France, cher pays de mon enfance...
Durant mes jeunes années, il m’arrivait souvent de me poser une question :
- Pourquoi les enfants des autres familles de mineurs partaient en colonie de vacances des H.B.L. alors que moi, mes vacances les plus lointaines se limitaient au centre aéré de Bousbach ? (*)
Ce n’est que quelques années plus tard que j’ai eu la réponse à cette question…
Un événement dramatique était arrivé dans la famille Gajewski, une famille qui demeurait dans une baraque voisine, au 37a rue de l'Arc à la Ferme de Schoeneck.
Leur fille Aline, s’était tuée en tombant du train qui la ramenait de son séjour en colonie de vacances. L’annonce de sa mort fut un choc pour toute la cité et je n'oublierai jamais le jour où nous avons appris cette triste nouvelle.
Aline a été enterrée au cimetière du village, l’ancien, celui qui était situé juste derrière l’église. Il m'arrivait souvent de faire un petit détour, vers 16 heures après la classe, pour aller me recueillir et entretenir la petite tombe sur laquelle était posée une très jolie couronne confectionnée avec de minuscules perles multicolores.
Comme un grand malheur n'arrive pas qu'aux autres, mes parents, qui avaient perdu leurs deux premiers enfants à la fin de la guerre, tout naturellement nous surprotégeaient.
C'est à cette même époque que la famille de Joseph Gajewski, à l’instar de nombreux immigrés originaires des pays de l’est, a pris la décision de partir aux Etats-Unis pour s’installer dans la ville de Buffalo, dans l’ouest de l’état de New-York, près du lac Erié, pas loin des chutes du Niagara.
Mes parents sont restés en contact avec eux durant de longues années et je me souviens que durant les années 50/60 l'amitié entre les familles déracinées était forte et sincère.
Ces familles ouvrières arrivaient à la Ferme avec leurs enfants et nombre d’entre eux, comme moi, sont ensuite nés dans les baraquements de cette cité dite ‘provisoire’.
La majorité de ces enfants n'ont pas eu la chance de connaître leurs grands-parents, leurs oncles et leurs tantes et de ce fait, toutes ces minorités étaient très proches et avaient le sentiment de faire partie d'une seule et même grande famille.
Encouragé par la famille Gajewski et constatant que leur intégration était positive, mon père a lui aussi entrepris les démarches pour préparer notre départ vers les USA.
A notre arrivée il était prévu que nous serions accueillis par la famille Gajewski laquelle avait, depuis l’autre côté de l’océan, tout organisé.
En 1960 nous avons quitté les baraques de la Ferme pour emménager dans la cité de Behren et, peu de temps après notre installation, nous avons reçu une convocation du consulat afin que notre famille se présente pour obtenir des visas, pour je ne me sais plus quelle ville.
Alors que notre futur départ se confirmait, je refusais obstinément de partir là-bas, dans cette Amérique que je ne connaissais qu’à travers les quelques photos d’immenses buildings qui illustraient mon livre de géographie.
Le béton de la cité de Behren me pesait déjà et il était hors de question pour moi d’aller habiter dans encore plus de béton.
Pour couronner le tout, il me semblait inconcevable d’apprendre cette étrange langue qui s’appelait ‘l’américain’…
Bref, plus le dossier avançait et plus je me rendais malade sans me rendre compte que j’étais en train de contaminer toute ma famille. Finalement, à cause de mes réticences, mon père décida finalement d'abandonner le projet d’émigrer vers le nouveau monde.
Behren cité (Photo C. Keller)
Aujourd’hui, c’est depuis un charmant village situé quelque part en France, que j'écris ce petit récit de souvenirs de la Ferme et, à ce jour, je n’ai pas regretté un seul instant la décision paternelle de rester ici, dans ce beau pays qui m’a vu naître, même si ce dernier a bien changé par rapport à notre paradis de l’époque des baraques…
Que voulez-vous, il faut croire que tel était mon destin…
Chez Nadine (Photo N. Chaboussie)
(*) Mis en place à l’initiative des Houillères du Bassin de Lorraine (H.B.L.) ce centre aéré local, proche des villes et villages environnants permettait, moyennant une participation modique, aux enfants des salariés des houillères de goûter à l’ambiance ‘colonie de vacances’ en partant tous les matins en autobus pour rentrer le soir dans leurs familles.
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