NOSTALGIA le Blog qui fait oublier les tracas

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Louis Arti couleur amitié


Louis Arti : couleur amitié

arti1.jpgJ'ai connu Louis Arti quand il s'appelait encore Louis Gaudioso à l’école primaire de SchoeneckC'était l'époque où l'on chauffait encore la salle de classe à l'aide d'un poêle à charbon et où les enfants obéissants mettaient des patins pour ne pas salir pendant la saison pluvieuse la salle de classe.

Derrière le pupitre du maître Félix Thil, un crucifix, devant le pupitre une assemblée hétéroclite de gamins originaires de tous les coins du monde. 30 nationalités se partageaient le savoir que l'instituteur essayait tant bien que mal de leur transmettre.

Dans la cour de récréation, un "grand" m'avait attaqué pour me piquer mes billes. Louis m'a défendu et, depuis ce jour, l'amitié vraie sommeillait en nous.

Puis nous nous sommes perdus pendant de longues années, mais un jour Louis est revenu. Adulte, barbu, pauvre, mais toujours enthousiaste et vrai. Il se souvenait de moi et m'a fièrement présenté son premier disque (entièrement fait à la main !) et nous l'avons invité à se produire dans un tour de chant, à Schoeneck, devant ses anciens camarades et ses anciens instituteurs. Alors, la magie a fonctionné…

Le petit pied-noir Louis Gaudioso était devenu Louis Arti, l'artiste écorché qui jonglait avec des mots qu'on ne comprenait pas toujours, mais qui fascinaient comme ils vous fascineront lorsque vous écouterez ses chansons.

 

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Je me souviens… C'était en 1993, j'avais sillonné la région avec Louis pour retrouver quelques-uns des 'anciens des baraques' avec lesquels nous avons évoqué de lointains mais vivants souvenirs. Grâce au talent des techniciens de l'atelier de création de l'Est de Radio France et à Michèle Oster, ces documents sonores se transformèrent en une évocation radiophonique de 10 épisodes de dix minutes… 

Une fois de plus, la magie des mots avait fonctionné !

C'était un pays de baraques en bois et de charbon riche. C'était la ruée vers la belle vie. Belle vie en noir ! Et brillante d'un flambant 'diamantesque'…

Entre les bois des planches des baraques, entre cette folie provisoire de l'habitat et la montée économique qui gonflait les joues de Marianne et des banques et les affaires des Seigneurs H, B et L. Il y avait tant de monde qui avait faim et il y avait tout ce charbon qu'on y marchait dessus…  Au loin tombait une forêt en bois de Nuremberg… Où loger le monde quand il traîne une guerre aux pieds ? Ces mains cueillies pour les pioches, les haches, les pelles, les marteaux piqueurs et les perforatrices des Houillères. Ces mains entourées parfois de 7,9,11,14 enfants…

De cette Lorraine de baraques, disparue aujourd'hui, que je connais, que j'aime, moi qui ne suis pas natif d'ici. Comme mes semblables, je revendique ce pays où notre voyage de la racine de l'angoisse s'est enfoncé dans les bois de Schoeneck... 

(Mai 1993, un village dans la tête, Radio France).

 


 Préparation de l'émission 'Un village dans la tête' avec Radio France (1993)

 

Littérature :

Belle vie en noir (extrait)

Plus loin le train s'arrête encore; ce coup-ci Mica et Toche s'écrient spontanément :
- Maman, regarde : Amora la moutarde de Dijon !
Marie-Quinze-Août assommée de fatigue, se lève quand même. Elle les rejoint dans le couloir, elle rit avec eux.
- C'est beau la France, mes enfants !… C'est beau, hein mes chéris ?…
On repart; les pays de la Côte d'or se mettent à glisser sous leurs yeux. Dès qu'il est frappé par un bel endroit, Mica pense que ça serait bien que le train s'y arrête; j'y habiterais volontiers, s'avoue-t-il.
Mais la locomotive prend la direction du nord-est, elle ne les déposera pas dans les vignobles de Nuit Saint Georges, elle roule vers les mines de charbon, vers les industries.
Depuis Marseille, Mica a repéré d'autres bruits qu'il ne connaissait pas. Il a enregistré le tac tac que faisait continuellement le train quand il passe sur un bout de rail ajouré légèrement d'une éclisse. Il a localisé plusieurs sons différents : celui des roues sur les aiguilles, celui des roues sur les appareils de dilatation, les grincements du convoi dans les entrées de gares lorsque les wagons se tortillent sur les cœurs d'aiguillage; et puis les sifflets de différentes locomotives… Pour Mica aucun de tous ces sons n'a la même note, ni le même rythme; c'est selon si le train roule doucement ou vite, une question de tempo que la musique lui fera comprendre encore mieux plus tard.

Les deux barres ferroviaires d'acier poursuivent parallèlement des lignes de lumière sur des centaines de kilomètres. Dans les gares de triage Mica admire les reflets du soleil qui s'éparpillent sur les voies : ça à l'air d'un million d'ampoules jetées comme du sel sur les pâtes, se dit-il...   

 

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Souvenirs :

Parfois, au terme d'un nouveau voyage droit, surgissait sa massive silhouette, la main tendue mendiant quelques mots ou quelques phrases oubliées. Son ombre se découpait dans la brume triste du quotidien, là-bas, au coin d'une ruelle qui s'appelle ma vie, dans la grisaille habituelle de cette lointaine Lorraine.

Les jours ordinaires revivaient alors en rires sonores et voraces et les souvenirs fous d'un passé simple jaillissent à nouveau à la surface de nos mémoire telles ces billes brillantes et colorées qui jaillissaient des sacs en tissus dans lesquels nous rangions avec précaution nos futurs souvenirs d'enfance… Clément Keller

 
 
Louis Arti à Schoeneck en 1979 : retour aux sources
 
L'interview ;
Chanteur et poète à l'univers aveuglant d'une tendresse mêlée de révolte, Louis Arti était mineur en Lorraine avant de se consacrer au chant et à l'écriture.
Depuis, il enregistre des disques, anime des ateliers d'écriture de chansons dans les écoles et fait du théâtre et de la peinture. Entre la mélodie et le cri bestial, sa voix tempétueuse dérange mais captive.
Elle est celle d'un homme mis à nu, un écorché vif.
La Macaronade, Petit bestiaire d'El Halia, Rebelles de jour, rebelles de nuit, Le Maladroit de l'homme… A chacun de ses spectacles il captive son public et partage avec générosité et simplicité ce qu'il a de plus intime en lui. Lors d'un de ses nombreux passages en Lorraine, Louis Arti s'était gentiment prêté au jeu de questions-réponses :
 
Clément Keller : Que ressens-tu lorsque tu reviens dans cette région que tu aimes et que tu as si bien connu enfant puis adolescent ?
Louis Arti : J'y retrouve mon identité historique ainsi que le vécu présent qui raconte l'histoire d'une époque. Malheureusement les croyances et les balises de repérage qui s'y rattachaient ont été remplacées par rien…
CK : Tu as ce que l'on appelle une culture d'autodidacte, as-tu parfois regretté de ne pas avoir fait de véritables études ?
LA : Répondre non serait idiot. Lorsque j'allais à l 'école à Schoeneck je me sentais parfois comme un idiot, je ne comprenais rien ! Le programme scolaire n'était pas adapté à ma personnalité car je suis un intuitif… D'ailleurs 'nous' étions une bande d'intuitifs… Lorsque je me suis présenté au 'certif' il fallait dessiner une balance…
J'ai mis tellement de poulies, de contre poids et de câbles que lorsque j'ai montré mon dessin à Juka, le 'cerveau' de la classe, ce dernier m'a dit : c'est pas une balance ton truc, c'est devenu un pèse-lettre !
CK : Tu as écris il y a quelques années ton premier livre El Halia et tu termines actuellement Belle vie en noir, as-tu ce que l'on appelle communément un maître d'écriture ?   
LA : Non. Je reste un intuitif. Par contre j'ai lu avec passion Henry Miller, Céline, Giono, Camus, Victor Hugo (un visionnaire !)  ainsi que tous les grands poètes, Verlaine, Rimbaud, Garcia Lorca…
CK : Ton roman El Halia a été adapté à la scène avec succès, as-tu de nouveaux projets de théâtre ?
LA : Oui, je travaille actuellement sur un projet écrit conjointement par 4 écrivains : un Pied noir, un Arabe, un Juif et un Français. Nous parlerons de l'Algérie d'une manière philosophique et neutre… Pratiquement sans nommer ce pays.
CK : Que penses-tu de la politique et du pouvoir ?
LA : La politique c'est intéressant à condition que ce soit dans un monde citoyen.
Les hommes politiques devraient vivre plus près du citoyen. Quant au pouvoir, c'est une écharde, une maladie dont il faudrait se débarrasser !
CK : Comment vois-tu l'évolution de l'Algérie ?
LA : Il n'y aura pas d'évolution. Ce qui a été mis en place là-bas par des individus corrompus et maffieux est pire que ce qui a été fait en Russie sous le régime communiste ! Rien ne changera tant que le pouvoir restera entre les mains d'une classe politique corrompue qui s'est enrichie aux dépens du peuple.
CK : Si demain tu pouvais soudain réaliser un rêve, que demanderais tu ?
LA : Le bonheur et l'égalité pour tout le monde !
CK : A une certaine époque tu étais très proche du monde scintillant du Show Business, as-tu le sentiment d'avoir été manipulé ou as-tu des regrets par rapport à cette époque ?
LA : Ni l'un ni l'autre car moi je n'avais rien à voir avec le Show Business !
CK : Comment perçois-tu la Lorraine actuelle ?
LA : La Lorraine avait une cuisine, une culture, une histoire. Il n'en reste pas grand chose hélas. J'ai l'impression que nous sommes en train de devenir des Parisiens !
CK : Que penses-tu des cultures de rue telles que le rap, le Hip Hop etc. ?
LA : Je connais des groupes ou des chanteurs tels que IAM, NTM ou MC Solar.
Ils écrivent parfois de beaux textes mais il y a une telle opposition entre ce qu'ils font et ce qu'ils disent… C'est bien que cela existe, c'est sans doute juste mais leur revendication est trop pragmatique. Elle matérialise la colère mais pas la pensée.
Il s'agit trop souvent d'un endoctrinement sans véritable philosophie avec toujours l'ombre de la religion en arrière plan…
CK : Comment analyses-tu le mal-être d'une grande partie de la jeunesse actuelle et quels sont d'après toi les remèdes à mettre en œuvre ?
LA : Le malaise actuel est la résultante évidente d'un avenir inexistant ou difficile mais surtout celle d'un laxisme des parents et du manque flagrant de repères chez la jeunesse. D'autre part, le rapport avec la religion empêche l'intégration. Il n'y a à mon avis qu'une solution, faire vivre les gens de manière intelligente, cela pourrait peut-être remplacer la police.
CK : Si tu devais te définir toi même, comment te définirais-tu ?
LA : Plus révolté que jamais ! Géométriquement j'ai réussi à faire recouper mon histoire avec celle de plein d'autres. Ma tendance est l'universalité, mon histoire s'ouvre et s'enrichit sur celle des autres. La phrase d'Arthur Rimbaud : Je est un autre est pour moi toujours d'actualité !
CK : Que penses-tu des nouvelles technologies telles que l'informatique ou l'Internet ?
LA : L'informatique est un outil fantastique. Je crois que je n'aurais pas commencé à écrire de livres si l'ordinateur n'avait pas été là pour m'aider à classer, ranger et mettre de l'ordre dans mes écrits…
CK : Comment se sent Louis Arti aujourd'hui ?
LA : Merveilleusement bien ! Cela fait maintenant dix ans que je sillonne la France en faisant participer des enfants à des ateliers d'écriture et en proposant mes concerts et mes pièces de théâtre.
C'est très enrichissant sur un plan humain car je rencontre des gens formidables comme ici à Freyming-Merlebach et cela me procure d'énormes satisfactions…
Bref, j'arrive à vivre de mes passions ! Propos recueillis par Clément Keller en 2004
 

Tour de chant 'improvisé' à Volonne (Provence) 

 

Les ateliers d'écriture :
Louis Arti a sillonné la France pendant quelques années en proposant aux enfants des écoles des projets de travail sur la mémoire passée ou présente d'une ville, d'un village, d'un quartier, ou d'une cité dans le cadre d'ateliers d'écriture...

- Ces ateliers d'écriture m'apprennent chaque jour à mieux connaître les difficultés des gens de mon pays , mais ce travail en commun avec les jeunes, des écoles et les gens des quartiers, me révèle des richesses créatrices étonnantes, encourageantes, inattendues de leur part. Il est certain que, par les jours actuels et par rapport à l'obstination bestiale que le monde commercial exerce sur l'éducation de tous, la place du poète, du musicien, de l'homme de théâtre est, plus que jamais, indispensable.
Les gens ne nous rendent que ce qui leur a échappé, ce qu'on leur a confisqué.
Nous autres, gens du spectacle, devenons pour eux des êtres sensibles, des témoins, des amis, ainsi que des provocateurs et des créateurs de rêves sociaux.
Une rencontre entre l'artiste et l'enfant :
L'objectif principal de ce type de projet est bien entendu de faire rencontrer des individus autour d'une création artistique commune en construisant une véritable 'identité collective'
Les ateliers d'écriture font s'interroger les participants sur leur ville : son passé, son présent, son avenir, tel que les intervenants se les représentent ä travers l'écrit.
Ils apprennent ainsi à mieux se connaître, dans le respect de leur différences, et jettent les bases de cette identité collective nécessaire à l'épanouissement des relations sociales et culturelles au cœur de la ville. D'autre part, l'artiste, bien souvent vécu comme un être inaccessible, se transforme en quelqu'un de proche, susceptible de faire profiter la collectivité de son savoir-faire et du message qui lui est propre. Il devient de ce fait artiste citoyen dans la cité. La culture devient ainsi réflexion et la découverte de l'autre favorise la découverte de soi-même.
Améliorer la maîtrise du langage par l'écriture et la lecture :
Sur un plan strictement technique ces opérations ont également pour but d'améliorer dans des situations concrètes la maîtrise du langage, premier moyen d'expression nécessaire pour créer des textes. D'autre part, le travail de lecture nécessaire pour connaître les caractéristiques des écrits dont la production est prévue permet d'améliorer dans des situations concrètes la lecture. Le travail d'équipe ainsi que l'entraide dans le respect de tous les partenaires permettent la finalisation du projet en ce qui concerne la dimension éducative. En effet, les élèves ont besoin de lire et d'écrire dans des situations réelles et motivantes pour comprendre l'importance de la lecture et de l'écriture, ils ont également besoin de s'ouvrir au monde extérieur à travers un projet mené à terme dans un travail reconnu, dans un esprit de coopération et de tolérance. La création artistique n'étant pas uniquement un produit de 'consommation' mais le fruit d'un travail qui peut être à leur portée, il devient important d'apprendre à l'enfant le plaisir à écrire à travers de petits récits, des poèmes ou des chansons. Dans ce type d'activité à dominante artistique, les enfants apprennent naturellement à exprimer leur vécu par l'écrit, la gestuelle, et la musique.
Cette approche relationnelle forte aide l'enfant à trouver sa place dans la cité, en apprenant à mieux se connaître, à se contrôler et à se valoriser à travers sa créativité latente. 
Un exemple réussi :
Quartier d'Oran, quartier d'orange est l'exemple d'un texte collectif écrit par les élèves de la classe de J.P.Garbe (école Oran-Constantine) réalisé dans le cadre d'un atelier d'écriture du Channel, scène nationale de Calais. Mis en musique par l'artiste et les enfants, ce texte a ensuite été interprété par les élèves. La direction du choeur était assurée par Jean-Robert Lay avec David Laisné au piano. Quartier d'Oran, quartier d'orange  a été enregistré à l'auditorium Érik Satie de l'École de musique de Calais par Pierre Vasseur et Olivier Hugot. Ce travail ainsi que l'enregistrement ont été rendus possibles grâce au concours du Contrat local d'éducation artistique mis en place sur Calais, subventionnée par la ville de Calais, les ministères de la culture et de l'éducation nationale.
 
→ NOUVEAU ! Voici le premier épisode de l'émission "Un village dans la tête" réalisé en mai 1993 par radio France avec le concours de Louis Arti et les anciens habitants de la Ferme de Schoeneck.
 


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10/07/2023


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