Nadine Chaboussie : Roger Lepage, mon camarade de jeux
Au 119a, rue des sapins, habitait la famille Pierre Prokopowicz. Monsieur Prokopowicz était mon parrain et, à cette époque, un parrain ou une marraine s'engageait à protéger et s'occuper de leurs filleul(le)s en cas de malheur ou de défection, pour une raison ou une autre, des parents.
A l’âge de 5 ans, à l’occasion de la Saint Nicolas, mon parrain m'a offert un Saint Nicolas en pain d'épice aussi grand que moi. Une grande image du saint préféré des enfants était collée dessus et cette image, je l’ai gardée précieusement pendant de longues années… Quand au succulent pain d'épice, ce dernier n'a pas eu le temps de vieillir et de durcir car son affaire fut vite faite et je peux dire qu’il était délicieux…
Vers 1956, mon parrain à déménagé à Farébersviller et mes parent ont bien entendu gardé le contact avec la famille Prokopowicz.
Leur baraque n'est pas resté longtemps vide. Très vite, la famille Lepage (des français) s'y est installée avec leurs 3 enfants, Roger, Liliane et Roland. Roger et moi avions le même âge et nous nous entendions bien, mais jamais très longtemps !
En réalité, et à ma grande honte, Roger était devenu un peu mon souffre douleur. Ce n’était pas bien de ma part, mais c'est la vérité.
On jouait principalement aux billes dans la rue devant la baraque et j'avais pris la mauvaise habitude de souvent le bousculer car je me sentais plus forte que lui. Malheureusement, il se laissait toujours dominer et cette façon de faire m'énervais…
Un beau jour, à l’occasion d’une nouvelle partie de billes, Roger exhiba un superbe ‘bouleau’(*) en verre. Pour réussir à l’avoir, je n’hésitais pas à tricher, le mis dans la bouche pour le cacher puis me sauvais en courant... Roger m'a poursuivi en criant :
- Tricheuse, tricheuse, rends moi mon bouleau !
Malheureusement, lors de la course-poursuite, j'ai involontairement avalé cette belle grosse bille aux superbes couleurs...
Pensant que j’allais mourir à cause de lui, je me suis vengée par anticipation en lui mettant une raclée et il est allé pleurnicher chez sa mère qui l’a pris aussitôt par la main pour venir se plaindre chez ma mère.
- Madame Ciesielski votre Nadine frappe toujours mon Roger, ça ne peut pas continuer…
Depuis la porcherie où j'étais cachée, j'entendais ma mère lui répondre dans un mélange d'allemand, de ’Platt’ et de polonais…
- Chère Madame Lepage, je sais que Nadine est une petite rebelle, mais il serait désolant que nous, qui habitons l’une en face de l’autre, soyons fâchées alors que les deux là dans cinq minutes jouerons à nouveau ensemble… Entrez donc plutôt prendre une tasse de thé !
Une fois l’orage passé, je sortis de la porcherie dans laquelle j'allais assez souvent me réfugier quand le temps n’était pas au 'beau fixe'... Ma mère avait raison, pendant qu’elle buvait le thé avec Madame Lepage, Roger et moi étions à nouveau potes mais je ne me rappelle plus pour combien de temps.
Quand au bouleau multicolore, il a disparu lors de son évacuation dans le WC de la baraque et c’est bien dommage, car il était vraiment de toute beauté !
(*) Boulau ou Bouleau ou Boulot ? Personne ne connaît l’orthographe exacte de ces grosses billes en verre ou en fer qu'on appelait 'Agates' dans le reste de la France profonde. Dans mon recueil‘Les Couleurs du passé’ j’ai écrit ‘Bouleau’, alors gardons cette orthographe.
Petit clin d'oeil au passage pour Walter : Lors des prochaines 'fouilles' à la Ferme, essaye de te concentrer sur l'endroit où se trouvaient les WC du 120b, rue des sapins. En cherchant bien, tu devrais y retrouver un 'Bouleau' en verre de toute beauté qui appartient à un nommé Roger Lepage...
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