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Nadine chaboussie : le commerçant juif de Merlebach

Comme le décrit si bien Clément dans son récit (Le petit carnet, Tome 1 des ‘Couleurs du Passé’), chez nous, sur le buffet de la cuisine, trônait aussi un carnet, pas un carnet de crédit chez l'épicier, non c'était un carnet dans lequel était noté la somme d'argent que l'on devait à ce commerçant de Merlebach qui régulièrement, à l'acompte ou à la paie, venait encaisser les 5000 Francs  de remboursement mensuel. A l’époque, on comptait encore en ‘anciens’ francs et un mineur gagnait suivant son ‘grade’, sa fonction ou le travail qu’il effectuait entre 70.000 et 100.000 francs par mois.

Dans son magasin à Merlebach, ce commerçant vendait des meubles, des tissus, des rideaux, du linge de maison ainsi que des vêtements. Il lui arrivait même de venir nous chercher avec sa voiture le dimanche et de nous ramener dans son échoppe où l'on pouvait choisir tout ce dont on avait besoin, bien sûr, toujours à crédit…

Lorsque nous avons quitté nos baraques de la Ferme de Schoeneck dans les années 60 pour emménager dans les premiers logements HLM de Behren, il a évidemment suivi toute sa clientèle, celle d’origine polonaise et les autres et cela nous rendait bien service.

Un jour alors qu’il arrivait pour l’encaissement mensuel, j'ouvris la porte, le saluais, le fis entrer et appelais ma mère qui était occupée à ranger les chambres.

- Mama, zyd jest (Maman, le juif est là) !

Comme elle ne répondait pas, j'appelais à nouveau, cette fois d’un voix un peu plus forte :

- Mama, zyd jest !

C'est à ce moment là que ma mère, qui était plutôt de petite taille, réapparut, encore plus petite, la tête enfoncée dans les épaules et lui dit :

- Monsieur, excusez la petite, elle ne sait pas ce quelle dit…

Il lui répondit :

- Madame Ciesielski, les enfants répètent ce que disent les parents !

Puis il se tourna vers moi et me dit gentiment :

- Ecoute ma petite, je m'appelle Monsieur Kreitzmann, tu t'en rappelleras ? Monsieur Kreitzmann !

Dans sa main, ma mère lui tendit gênée le carnet et les 5000 francs. Comme à l’accoutumée, il déduisit la somme de celle inscrite dans le carnet, puis partit sans un mot et continua sa tournée d'encaissement…

Le même jour, il arrive chez la famille Rakowski, de vrais amis à mes parents, sonne à la porte et c’est Régine, leur fille, qui ouvre la porte, le salue, le fait  entrer et crie également :

- Mama, zyd jest !

Décidément, ce n'était vraiment pas son jour à Monsieur Kreitzmann !

J’aimerais simplement, soixante ans plus tard, rendre hommage à travers ce récit, à ce commerçant pour son travail et pour la confiance qu’il a accordée durant toutes ces années à ces familles ouvrières.

Sans son aide, elles auraient dû se passer de ce minimum de confort car elles n’auraient pas eu les moyens d’acheter en payant comptant tous ces modestes biens de consommation devenus tellement banals de nos jours...

Alors permettez-moi de lui dire aujourd’hui : Merci Monsieur Kreitzmann !

 

* * * * * * * * * *

 

Lire les autres récits de Nadine Chaboussie :

Mes voisins, la famille Heitzmann

Roger Lepage, mon camarade de jeux

Le dentier de Wicek

Le Bus ’Mode de Paris’ 

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04/02/2017

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