Clément Keller : Le petit carnet
Pratiquement chacune des familles que fréquentaient les parents de mon ami Walter possédait, posé bien en vue sur l'armoire ou le buffet de la cuisine, un petit carnet à spirale rouge vert jaune ou bleu. Cet accessoire à l'apparence anodine revêtait une importance capitale dans la vie quotidienne car il représentait le lien direct entre le revenu plus ou moins aléatoire de chacune des familles et le montant du crédit accordé par les différents commerçants de la cité ou du village.
Il était courant, à cette époque où les hyper-marchés n'existaient pas encore, de s'approvisionner au jour le jour dans le magasin d'alimentation Samer, chez le laitier Milich Matz ou au dépôt de pain chez qui les clients italiens à la tête de familles nombreuses venaient acheter le pain avec une brouette.
D'habitude, la corvée des provisions incombait aux enfants, lesquels, munis du classique billet aide-mémoire, toujours rédigé dans le même style épuré, achetaient consciencieusement la salade, le paquet de nouilles pas chères, les oeufs, le pot de confiture ou le paquet de margarine Astra nécessaires à la survie physique de ces familles aux nombreuses bouches toujours affamées.
Par soucis d'économie, le beurre, le vrai, celui qui était enveloppé dans du papier opaque, restait une denrée hors du commun et n'était présent sur la liste des commissions qu'une fois tous les quinze jours. Enfin, luxe suprême, les quinze et trente de chaque mois, acompte ou paie oblige, l'immense rondelle de saucisse Lyoner presque aussi grande qu'une roue de Scooter, s'ajoutait à la liste des commissions et venait compléter l'ordinaire à dominante féculante (patates, nouilles etc.), composant la nourriture de base des familles ouvrières.
Ces jours là, chacun se sentait un peu plus riche et l'on dégustait, crue ou cuite au four, cette charcuterie bas de gamme longuement convoitée par petits et grands. C'était d'ailleurs devenu une véritable fête qu'on appelait : S' Lyoner Fecht : la fête de la Lyoner.
Vous souvenez-vous du comptoir en bois encombré de Carambars, de papiers gras, de bocaux de Chewing-Gum gagnants et de caramels à un centime, derrière lequel la gérante compulsait d'un air grave un épais cahier dans lequel était inscrit en face du nom de chacun de ses clients, le montant de la dette que ces derniers avaient contractée ?
Deux fois par mois, les jours de paie et d'acompte, les maîtresses de maison se déplaçaient personnellement, portefeuille et carnet à la main, chez le commerçant pour comparer les chiffres du carnet avec ceux du registre et régler une partie ou la totalité de sa dette.
Ce jour là, l'épicier, le boulanger ou le laitier savaient qu'ils allaient, en principe, rentrer dans leurs fonds et les mères de famille étaient soulagées de savoir que la quinzaine à venir était assurée sur le plan alimentaire...
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