Nadine Chaboussie : petits souvenirs en vrac...
Nénette, ma petite copine
Nénette habitait avec ses grands-parents rue de la Ferme, dans la baraque située juste au dessus de celle de Walter Heitzmann.
J'avais 5 ans et demi et j’allais régulièrement jouer avec elle. Je pense que ses grands-parents étaient contents de me voir car j’étais toujours bien accueillie chez eux…
Un jour, lors d’une de mes visites, Nénette me raconte que lorsqu’elle se lève le matin et regarde par la fenêtre de sa chambre, elle voit à la lisière du bois, un magnifique cerf.
Elle avait bien de la chance car moi, je n’en avais jamais vu.
Le lendemain matin, au lieu de me rendre, comme je le faisais d’habitude, seule au jardin d'enfants qui se trouvait en face de la mare, cette place de jeux où tous les gamins de la Ferme se retrouvaient, je décidais d'aller chez Nénette afin de voir ce cerf dont elle m’avait tant parlé. Hélas, ce dernier n’a, ce jour là, pas montré le bout de son museau…
Mais, comme j’avais un tempérament tenace malgré mon jeune âge, j’ai continué mon petit manège pendant plusieurs jours et j'allais tous les matins chez ma copine plutôt qu’à l’école. A défaut de voir le fameux cerf, qui ne se manifestait d’ailleurs plus, je jouais avec Nénette et, lorsque j'entendais sa grand-mère mettre le couvert et dresser la table je savais qu'il était l'heure de 'rentrer de l'école' pour aller déjeuner à la maison.
Ma combine avait l’air de fonctionner, jusqu'à un matin où je vis par la fenêtre de la cuisine de mon amie, ma maîtresse d'école, une jeune étudiante américaine à l'époque (*), se diriger d'un pas décidé en direction de mon père occupé ce jour là à bêcher son jardin...
Je vis mon père planter sa bêche dans la terre, poser ses mains sur le bout du manche et entamer la conversation avec la jeune institutrice. Je n'entendais rien de ce qu’ils se disaient mais j'étais sûre qu'ils étaient en train de parler de moi et je me sentis prise au piège…
J’aurais dû me douter que mon stratagème ne durerait pas, mais maintenant, comment allais-je m’en sortir et que devais-je faire ? N’ayant pas vraiment le choix, je décidais de rentrer et de voir comment la situation allait évoluer…
Mais Ô Surprise, à la maison, tout semblait normal comme d'habitude, et j’en restais interloquée car je n’y comprenais plus rien…
En y repensant des années plus tard, je pense avoir compris ce qui s’était passé.
Mon père parlait polonais et allemand mais pas un traître mot de français. Face à lui la maîtresse qui parlait français et anglais mais pas un mot de polonais ! Un véritable dialogue de sourd s’était instauré entre eux et cette incompréhension était une chance inouïe pour moi !
Sur ce coup là, je l’avais échappé belle et ma période 'école buissonnière' s’est arrêté le jour même... Quand au cerf, honnêtement, je ne l'ai jamais vu... Dommage !
La Marie et le Julot.
Dans les années 1957/58, au 123b rue des Sapins ont emménagés Marie et Jules, nos nouveaux voisins. Ils habitent dans la baraque de l’autre coté de la rue et encore aujourd'hui, je n’ai pas souvenir d'avoir eu connaissance de leur nom de famille...
Marie et Jules me demandent régulièrement d'aller leur acheter des bouteilles de vins à l'épicerie Muller et me mettent les bouteilles vides consignées dans un cabas que j'attachais solidement sur le porte bagages de mon petit vélo.
J'avais l'habitude de faire des courses à vélo pour les gens du quartier. J'allais leur acheter des cigarettes au village chez le ‘Tuwak Spatz’, du tabac à priser ou à chiquer chez la ‘Länsche’, une naine qui avait son échoppe juste derrière la frontière direction Klarenthal, du pain au village chez Bastian, du fromage chez le laitier Milich Matz ou d'autres bricoles à la SAMER… Moi qui adorais faire du vélo, je joignais ainsi l’utile à l’agréable…
Lorsque je ramenais les bouteilles de vin chez Marie et Julot, je n'y restais jamais très longtemps car leur baraque était toute entière imprégnée d'une tenace odeur de vinasse...
Quel joli couple d'alcooliques il faisaient ! Ils avaient tous les deux un aspect parcheminé et violacé, et, touche supplémentaire au tableau, puaient tous deux du bec...
Je me souviens qu’un jour je leur avais demandé leur nom de famille au cas où quelqu’un me l’aurais demandé… La Marie m’a répondu sans broncher :
- Lui c'est Jules Sanchez parce quand il a trop bu il casse les chaises !
Ensuite je leur ai demandé s'ils avaient des enfants et là, Marie ouvre la porte d'une chambre et me dit :
- Regardes, les voilà !
Tout ce que je voyais sur le lit c'étaient des poupées habillées de larges robes de toutes les couleurs, le genre de poupées que l'on gagne à la foire… Puis, une fois de plus, l’odeur de vinasse m’a vite fait quitter les lieux...
Aujourd'hui, après réflexion, je ne pense pas qu’ils étaient méchants, c’étaient tout simplement des alcooliques chroniques... Quel gâchis !
Coco
Au 122 a et b de la rue des sapins, (la baraque que l'on voit à gauche du bandeau de Nostalgia) voisine de la baraque à Jules et Marie, était venue s'installer la famille Delahaye, une famille nombreuse. Leur fille Marie-Thérèse était mon amie et, ensemble nous avons fait des kilomètres sur mon vélo !
Au retour de nos promenades, nous nous asseyions souvent chez elle sur l'escalier, le même que celui de notre baraque, constitué d’un palier rectangulaire auquel on accédait par une seule marche. A droite de ce palier, contre le mur, était posé un grand coffre ancien en ferraille rempli d'eau et sur cette eau nageait un très joli canard colvert...
Un matin, voilà qu'arrive le petit frère Martial, dit Coco, alors âgé de 7 ans. Coco, pour se rendre intéressant ou simplement pour nous faire rire, attrape le canard par le cou, lui plonge la tête dans l'eau et recommence ce manège plusieurs fois de suite…
C’est vrai, cela nous a bien fait rire jusqu'au moment ou l'on entend derrière nous quelqu’un se raclant la gorge en faisant des : hum, hum, hum….
Nous nous retournons et, dans l'encadrement de la porte de la cuisine, on voit le père Delahaye qui assiste à la scène... Pressentant une réaction imminente de sa part, nous nous éloignons prudemment.
Coco, n'ayant pas vu que son père l'observait, continue de plus belle à plonger la tête de son canard dans l'eau en riant de son audace... A ce moment là, sans dire un mot, Monsieur Delahaye sort le canard de l'eau, attrape Coco par le col et par le fond de sa culotte et fait de même avec le gamin...
A voir la tête de Coco à chaque fois qu'elle sortait de l'eau, la morve au nez, à brailler la bouche grande ouverte, Marie-Thérèse et moi, malgré l’envie qui nous tenaille, nous nous retenons de rire de peur que son père nous fasse subir le même sort…
Jean de la Fontaine, notre grand moraliste, aurait conclut cette histoire en disant :
- Ne fais jamais à un canard ce que tu n’aimerais pas que l'on te fasse…
Inutile de préciser que Coco n'a plus jamais martyrisé le canard familial !
(*) L'école maternelle employait une étudiante américaine qui s'appelait je crois Miss Simpson, Notre ami Joe pourra sans doute nous le confirmer...
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