J.L. Miksa : Commémoration de la catastrophe du puits Simon
Lundi 25 février 2019 une bien triste journée malgré le radieux soleil qui inonde de ses chauds rayons toute la Moselle-Est comme presque toute la France.
Triste journée car je dois me rendre à Forbach à 13h30, au Puits Simon où il y a 34 ans, le lundi 25 février 1985 avait lieu l'une des catastrophes minières les plus destructrices en vies humaines. Ce sont en effet 22 mineurs qui y ont trouvé la mort, une mort atroce lors d'un coup de grisou suivi d'un coup de poussière qui fera en plus de ces nombreux morts, 269 blessés.
Le mémorial qui leur est dédié a été dessiné par mon ami et voisin de bureau Jean-Marie Legendre qui était projeteur au service architecture des HBL à Freyming-Merlebach.
Je me vois encore penché sur sa planche à dessin à regarder ses croquis, comme si c'était hier. Il avait demandé aux géomètres des HBL de noter en surface l'endroit exact de la catastrophe, car c'est là qu'il voulait que soit érigé le mémorial dont des lames de fer forgé symbolisent les éclairs de l'explosion, des blocs de béton représentent les galeries sur lesquelles sont inscrits les noms des victimes et, sur deux poteaux s'élevant vers le ciel représentants le puits, un tableau porte vingt-deux casques de mineurs. Vingt-deux mineurs dont la vie s'est brusquement arrêtée à 7h20 ce matin du 25 février 1985.
Les flammes de l'explosion, à l'aplomb du lieu-même de la catastrophe à 1050m sous terre
A l'époque j'étais jeune dessinateur, aujourd'hui retraité des mines, je viens pour témoigner à l'ensemble de la profession et aux nombreux mineurs présents, mon hommage aux victimes et à leurs familles.
Avant le début de la cérémonie, une dame me raconte comment son mari a échappé à cette catastrophe. Elle me dit qu'un collègue à son mari qui devait aller travailler au poste du matin à 6h, voulait changer de poste avec son mari qui lui devait aller travailler en inter poste à 12H, ce collègue fait malheureusement partie des morts car son mari avait refusé ce changement qui lui a sauvé la vie. J'ai ressenti pendant qu'elle me racontait cette incroyable histoire, comme une sorte de culpabilité et de remerciement au ciel pour avoir épargné son mari ce jour-là.
Un peu plus tard un ami d'enfance me raconte qu'il travaillait au fond dans ce même puits dans un autre chantier ce même jour et qu'après avoir perçu quelque chose d'anormal, son chef porion, téléphone à la main lui disait d'un air hagard, … il y a deux morts, … puis trois, et décida de faire remonter tous les mineurs de sa taille un après l'autre, dans le calme absolu, sans qu'ils ne sachent avant d'être au jour, surpris par l'ampleur des secours, qu'une catastrophe venait de se produire. Ses yeux sont embués, moi aussi je dois me forcer pour retenir mes larmes.
La cérémonie débute par le discours du président de la fédération des mineurs qui retrace méthodiquement la chronologie des événements, puis il égrène un à un les vingt-deux noms et prénoms des victimes : Pierre Albert (piqueur), Armand Birkle (ouvrier-mineur), François Bregant (chef d’équipe), Gérard Buchheit (chef de poste), Joseph Cusmano (piqueur), Sébastien Cusmano (piqueur), Denis Dellmuth (chef de poste), Marcel Demmerle (équipeur), Gérard Erbst (chef d’équipe), François Gander (électromécanicien), Michel Grosjean (piqueur), Charles Hahl (chef de poste), Dominique Kisler (piqueur), Michel Krayanoff (piqueur au traçage), Jean Maik (électromécanicien), Oulaïd Moufki (ouvrier-mineur), Serge Philippi (ouvrier-mineur), Laurent Spaeth (électromécanicien), Alain Variengien (ouvrier-mineur), François Wintzerith (équipeur), Roland Wolf (porion), Romain Zapp (boutefeu).
C'est ensuite le maire de Forbach qui prononce son discours, suivi par monsieur le député qui raconte à l'assistance dans son discours, que ce jour-là il rentrait du coke lorsque son père est arrivé le matin avec sa voiture de service pour annoncer à sa mère que le puits Simon vient de connaitre une catastrophe et qu'il est sans nouvelles de son oncle qui y travaille. Ce n'est que vers midi qu'il apprendra que son oncle est sain et sauf, lui qui devait travailler à proximité des lieux de la catastrophe n'a eu la vie sauve que grâce une panne de la locomotive qui devait le conduire à cet endroit.
L'émotion est forte, le président de la fédération des mineurs reprend la parole pour appeler un après l'autre les syndicats, le maire de Forbach, le député, les représentants de la SNI ainsi que les représentantes des familles pour le dépôt des gerbes.
Les gerbes déposées au pied du mémorial
(la gerbe des familles est hors photo, plus à droite sur une stèle en marbre)
Il demande ensuite de respecter une minute de silence avant de donner rendez-vous à l'assistance l'année prochaine où, pour la commémoration des 35 ans de cette catastrophe, une messe sera dite le matin-même, suivie par la cérémonie de la commémoration au mémorial et enfin un repas suivra.
Il y avait plus de deux cents personnes présentes ce jour-là, de nombreux porte-drapeaux d'associations de mineurs, un grand nombre de mineurs et sauveteurs en tenue ainsi qu'une quinzaine de mineurs allemands en uniforme qui sont venus pour se joindre au recueillement autour de ce mémorial.
La profession et la foule ont su une fois encore rendre hommage à ces hommes qui au sacrifice de leur vie ont participés à l'épopée de charbon. Malgré toutes les catastrophes, les mineurs ont toujours repris leur travail dans cette terrible angoisse de l'accident individuel ou collectif, à Simon comme dans les autres puits, jusqu'à la fin de l'exploitation du charbon en France en 2004 au Siège de l'UE la Houve à Creutzwald en Moselle.
Portes drapeaux associations de mineurs et mineurs des HBL en tenue
(bleu : ouvriers mineurs, orange : sauveteurs du poste central de secours de Freyming-Merlebach
Glück Auf !
(c) Textes & Photos :
Jean-Lucien Miksa (Auteur du livre ’A l’ombre du charbon’) le 25 février 2019
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