NOSTALGIA, le Blog qui fait oublier les tracas

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Les années 'Yéyé' : Jean-Lucien Miksa

Jean-Lucien Miksa nous raconte ses souvenirs des années 60 :

A 14 ans à Behren-cité, j’avais quelques bons copains et c’est à contre cœur que je les quittais car ma mère ne supportait plus de vivre dans un immeuble collectif. C’est ainsi que nous avons dû déménager pour la vieille cité du Habsterdick sur la commune de Stiring-Wendel.

Mes frères un peu plus âgés que moi y ont retrouvé des copains de colonie de vacance et moi j’ai pu faire la connaissance, après une petite bagarre sur la place du marché, de jeunes de mon âge qui sont devenus mes copains, ou potes comme on disait alors. Nous nous donnions rendez-vous dans la cave de l’un d’eux, Sylvain, pour y écouter de la musique « YéYé ». C’était le temps des Johnny, Eddy Mitchel et autres rockers dont on écoutait, sagement assis sur tout ce qui pouvait faire office de chaise, les disques que ceux qui avaient un peu d’argent de poche achetaient.

Le son était toujours très fort et pour se parler il fallait hurler. Beaucoup d’entre nous fumaient déjà et la bière circulait de l’un à l’autre. Curieusement il n’y avait pas de filles, pourtant presque tous avaient une copine, bien sûr sauf moi, le petit dernier arrivé parmi eux par hasard.

C’étaient les années d’insouciance et le plaisir de se retrouver était partagé. Deux ou trois soirs dans la semaine nous étions ainsi dans cette cave, bien au frais en été, mais très au froid en hiver. Qu’importe le temps qu’il faisait, nous étions toujours à l’affût de la dernière chanson du hit-parade que nous allions pouvoir écouter en « vrai » et non par le haut-parleur des transistors. Ces derniers ne restituait que très pauvrement cette musique enivrante. Dans notre « club », grâce à un petit tourne-disque et son haut-parleur de qualité, nous pouvions savourer cette musique et chanter à tue-tête les paroles que chacun se devait de connaître par cœur.

Certains soirs nous allions nous promener ensemble avec les copines qu’avaient mes potes. Nous allions aussi à la piscine de Sarrebruck en Sarre. Le groupe que nous formions était très soudé et le lien qui nous unissait était cette musique qui nous emballait et dont les paroles d’amour ou de détresse pouvaient correspondre à ce que nous vivions ou attendions de la vie.

L’amour de cette musique allait si loin que la plupart d’entre nous cherchaient à former un « vrai » groupe de musiciens. Mes frères répétaient avec des amis et j’ai eu la chance de rencontrer un jeune de mon âge qui voulait monter un groupe lui aussi. J’étais heureux car il me promettait de me confier sa batterie, oui, j’allais devenir batteur… Ma déception fut grande lorsqu’il a disparu de ma vue. Je n’ai plus eu d’offres similaires et je me suis contenté d’écouter les productions des autres groupes.

Lorsque j’ai eu 16 ans, j’ai reçu pour la première fois de l’argent de poche de mon père. Il donnait chaque samedi 10 francs à mes frères et moi j’avais droit à 5 francs. Du moins officiellement devant mes frères, car dès qu’ils avaient tournés les talons mon père me rajoutait 5 francs. J’étais fier de mettre en poche ces deux beaux billets de Victor Hugo dans ma poche. Ils allaient me permettre de me payer l’entrée le dimanche après-midi au thé dansant du café « Le Métropole » à Stiring dans la rue à l’arrière de l’église.

Mais avant d’y aller il fallait prendre son bain le samedi soir dans la cave de la maison. C’était toujours la bagarre pour savoir qui serait le premier à prendre son bain. En effet l’eau chaude qui avait été portée à température dans une grande bassine sur un vieux fourneau à bois était versée dans une baignoire de récupération et n’était pas changée entre chaque individu. On ne faisait qu’en rajouter lorsqu’elle était trop froide. Ensuite j’avais le devoir de sécher les cheveux de mes frères et leur faire un brushing. L’aspect de la coupe des cheveux mi- longs que mon père nous autorisait à avoir était très important. Il fallait ressembler aux « idoles des jeunes ». Je me souviens des costumes, des blazers, des pantalons à ceinture espagnole, des pantalons de marins, ou des pattes d’éléphants que j’ai aimé porter.

Ainsi paré j’allais au « Métro » comme on disait. L’entrée était de 5 francs et on recevait un bon pour une boisson.

Dans cet endroit il n’y avait pas de groupes qui jouaient, mais c’était un disque jockey qui passait des chansons qui nous poussaient sur la piste de dance. C’était le plus souvent le fils du patron qui officiait à ce poste. L’ambiance était chaleureuse et j’y retrouvais tous mes amis. Malgré mon costume cravate, qui était une obligation à l’époque pour les jeunes fils de mineurs que nous étions, je n’avais pas beaucoup de succès auprès des jeunes filles qui préféraient des garçons un peu plus âgés. J’étais souvent frustré, mais cela ne m’empêchait pas de m’amuser et danser le twist en solo.

Certains dimanches furent entrecoupés de belles bagarres et je me souviens d’une de celles-ci tout particulièrement. Je prenais à l’époque des cours de karaté en Allemagne avec un ami mineur de fond et lorsque j’ai été provoqué par un jeune je n’ai pas pu éviter l’affrontement. Je ne voulais pas lui faire de mal, mais je devais sauver la face devant mes copains, alors je suis sorti me battre avec lui. Pendant notre bagarre, je ne portais aucun coup mais lui montrais mon savoir-faire de karatéka. Du moins jusqu’à ce qu’il ne m’attrape par la cravate et tente de m’étouffer. Là c’en était de trop et je lui ai administré quelques coups afin de me libérer de cette fâcheuse posture. Mais mon beau costume avait perdu de sa fraîcheur après cet échange un peu viril et j’appréhendais le regard de mon père.

J’ai attendu qu’il fasse nuit pour rentrer, mais mon père attendait… Dès qu’il vit mon costume et un peu de sang que je n’ai pas pu cacher il me demanda : t’es tu battu ? Je lui répondis oui et il rajouta : il était plus grand que toi ? Lorsque je lui dis qu’il me dépassait d’une tête, mon père prit une attitude plus clémente et me dit : alors ça va, je ne veux pas que tu te battes avec des plus petits que toi. Cette phrase est gravée dans ma tête pour toujours. J’étais content de n’avoir pas été sermonné plus que ça, et j’avais le sentiment qu’il était fier de savoir que je savais me défendre. La confiance en moi avait grandi et j’ai osé sortir un peu plus loin dans d’autres cafés dansants de Stiring. C’était chez Jager rue du général Grégoire et le café à la Rose rue Saint-Roch.

 

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Et puis j’ai grandi un peu et j’ai eu le droit de suivre mes frères le dimanche à Forbach.

Là-bas nous allions au café de la poste qui avait sa salle de dance, le « caveau de la poste ».

Il était situé dans le sous-sol et il fallait sortir du café, passer par un passage sous les bâtiments pour accéder à la porte d’entrée située à l’arrière du bâtiment. Dans ce « caveau » de vrais groupes jouaient les tubes du hit-parade ainsi que des compositions personnelles. Cette musique était si entraînante qu’elle échauffait bien souvent les esprits et comme il était d’usage à l’époque, tout cela se terminait en de belles bagarres où la plupart du temps il ne restait à la fin que des amis. Nous fréquentions aussi un autre café de Forbach, le café des trois piques qui avait à l’étage une discothèque où se produisaient également des groupes de la région. Un autre café-pâtisserie, chez Dolisi, était fréquenté par des jeunes un peu plus âgés et je n’y suis allé qu’une ou deux fois. De temps en temps nous allions jusqu’à Freyming dans le café Witkowski où mes frères retrouvaient d’autres copains.

J’étais heureux de pouvoir vivre ces dimanches avec mes frères et leurs copains plus âgés que moi. Tous avaient une copine, excepté moi et il n’était pas question que j’en pique une à l’un ou à l’autre. Mais dans tous ces endroits j’étais trop jeune pour les filles.

Alors je dansais seul, j’en avais l’habitude et je me contentais de boire un coup avec cette bande.

Puis ce furent les sorties du samedi soir qui prirent le relais. Avec les copains de mes frères, dont certains avaient déjà une voiture, nous allions aux bords d’étangs de la région et faisions des sorties dans d’autres salles de dance.

L’une d’elles était la célèbre salle « Sommer » à Stiring où le même scénario du danseur en solo se jouait pour moi. Mais ici la musique des années YéYé était remisée au profit de la musique des bals populaires que chantait si bien Michel Sardou.

 

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La célèbre salle Sommer qui a fait le bonheur de plusieurs générations de danseurs

 

Et moi, eh bien personne ne m’avait appris ni la valse, ni le tango, ni les autres danses qui forment des couples qui semblent partager des moments inoubliables. Comme je les enviais, moi qui ne dansait que le slow, et encore, quand une fille le voulait bien. 

Voilà ce qui me reste comme souvenirs de ces années Yéyé, l’insouciance, l’amitié sans faille, des après-midi et soirées mémorables, quelques bagarres sans gravité et le sentiment d’avoir appartenu à une époque déjà presque oubliée...

Salut les Copains ! Jean-Lucien Miksa (JLM)

 

Ces années là...

Les années Yéyé ce n’étaient pas que la musique. C’était aussi les cheveux dans le vent. Et pour les avoir dans le vent le vélo ne suffisait pas. Il fallait une mob, une bécane quoi. Mais attention, une vrai, une qui fait du bruit. Une où on change les vitesses au guidon. Tous mes copains avaient la leur tandis que je désespérais d’en avoir une aussi. 

Déjà lorsque j’habitais encore Behren-cité, un groupe s’était formé pour rouler ensemble. Je me souviens très bien qu’un groupe était descendu jusqu’à Marseille avec ces petits engins de moins de 50 cc3. C’étaient des Flandria, Zundap, Motobécane, customisées comme on dit aujourd’hui. Certaine bécanes avaient des guidons où il fallait lever les bras très haut pour piloter l’engin. Elles ressemblaient de loin à ces belles motos qu’avaient les Hells angels de Californie. Nos pilotes avaient même des blousons avec des franges et des aigles dessinés dans le dos. Il ne faisait pas bon de se frotter à eux… mais quand on était un de leurs potes, on pouvait compter sur eux en cas de coup dur.

Mais au Habsterdick il n’y avait pas de groupe comme à Behren. Il y avait par contre des surdoués de la mécanique. Des amoureux de la vitesse. J’enviais mes potes qui faisaient des courses dans les rues avec leur Kreidler ou Flandria avec de vrais changements de vitesse au guidon. Les pots d’échappement étaient souvent trafiqués pour faire le plus de bruit possible. 

Je passais beaucoup de temps avec ses heureux possesseurs de bécanes. Nous les briquions. On les démontait et remontait. Certains étaient autant capables que des professionnels pour remplacer un carburateur, un moteur, le chemisage des cylindres. Capables surtout de donner plus de pêche encore à ces petits bolides en trafiquant le carburateur. 
J’aimais les retrouver et parfois même avec MA MOB… mais Ma MOB à moi, c’était celle en réalité celle de mon père. Il n’avait pas les moyens de se payer une voiture. Alors il faisait les courses avec sa mob et parfois même il se rendait à la mine avec sa « bécane » comme on disait.
Si je ne la prenais que rarement, c’est parce qu’elle n’avait rien à voir avec celles de mes potes, mais rien de rien, c’était une « Mobylette ». Un engin sans changement de vitesses au guidon. A l’allure et aux performances qui se rapprochent plus du vélo que de la bécane de compétition dont mes potes étaient fiers. 
 
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Aussi quand je pouvais les accompagner, j’étais toujours le dernier à arriver à bon port, car à cet âge-là on n’attend pas les retardataires, on file à toute vitesse. Mais cela ne m’empêchait pas de faire le mariole sur la route. A slalomer entre les voitures. A prendre tous les risques pour se donner quelques frayeurs. Nous étions vraiment des inconscients, et Dieu merci, il n’y a pas eu de graves accidents dans mon groupe de potes. Juste quelques chutes, les plus graves avec des fractures dont on se remet très vite à ce jeune âge. 
En dehors de ces compétitions de bécanes et des retrouvailles au club, nous avions un autre lieu de rendez-vous. Le café. Le fameux café Mathis qui était au centre commercial de la place du marché. Les gérants de cet endroit étaient un couple dont le mari travaillait à la mine. Son épouse tenait le café en son absence. Ils avaient une fille qui venait de temps en temps servir. Ils étaient très gentils avec les jeunes que nous étions. Monsieur Mathis me demandait parfois de laver sa voiture, un coupé Opel à deux portes de couleur rouge. Je la lavais, la cirais, la lustrais, passais l’aspirateur, bref je faisais un nettoyage complet avec beaucoup d’amour. C’était une très belle voiture que je bichonnais. Si j’en prenais bien soin c’était parce que monsieur Mathis était exigeant, mais aussi oh combien généreux !
Les quelques francs qu’il me donnait servaient bien sûr à me payer des boissons dans leur café et à jouer aux jeux. Il y avait dans ce café deux flippers et un babyfoot. Une partie coûtait 20 centimes sur chaque appareil.  
J’adorais autant jouer sur l’un que sur l’autre et je me défendais pas si mal que ça. Quand les sous venaient à manquer pour jouer au flipper, nous avions nos astuces pour ne pas payer. 
Chut, je vais dévoiler un secret. Le flipper avait encore à cette époque une façade en plastique là où s’inscrivaient les scores. Cette protection assez légère n’avait pas échappée à un ami dont le cerveau avait fini par trouver une combine pour éviter de se ruiner à acheter des parties. Un beau jour il a chauffé une aiguille pour percer cette façade à l’endroit même où les parties achetées ou gagnantes s’affichaient. Avec l’aide de cette même aiguille il faisait tourner cette molette pour afficher trois ou quatre parties à venir. Pas plus de quatre parce que cela aurait pu paraître douteux, rarement quelqu’un en faisait plus que cela en jouant. Et voilà, dorénavant on pouvait jouer au flipper sans payer. 
Au babyfoot on mettait des mouchoirs dans les buts pour éviter que la balle ne tombe dans l’appareil lorsqu’un but venait d’être marqué. Les parties duraient très longtemps grâce à cette astuce. 
Aujourd’hui je suis persuadé que les gérants étaient au courant de nos petites tricheries, mais à l’époque ils fermaient un œil sur cette pratique des jours de fauche.
C’est dans ce café que j’ai appris à jouer aux échecs grâce à un ami un peu plus âgé que moi. J’y ai également appris la belotte. Ah ce jeu de cartes pendant lequel les mineurs jouaient de gros sous et qui parfois se terminait en violentes joutes verbales, frisant l’affrontement physique.
Je me défendais bien à ce jeu également et je me risquais parfois à jouer quelques parties payantes avec des jeunes un peu plus âgés. Tandis que les anciens jouaient la partie à un franc, nous les jeunes, nous ne jouions qu’à cinq centimes la partie.  C’était une bonne école et quand plus tard j’ai eu la chance d’être accepté par les anciens pour jouer avec eux, alors là ce fut la classe ! Mais attention, ces anciens ne toléraient aucun geste, aucune parole, aucun regard douteux ou interrogatif. L’exercice était difficile. Grâce à eux j’ai pu apprendre à me maîtriser et jouer de belles parties. Comme j’étais assez fort en calcul mental et que j’avais une bonne mémoire, j’avais les atouts qu’il fallait pour gagner assez souvent. Je ne prenais jamais trop de risques et je ne trichais pas. Même si un jeune très doué à la triche m’avait appris quelques tours. Mais avec les anciens ce n’était bien évidemment pas possible, quoi que… quand l’alcool était passé par là…
Ah ! Ce café Mathis où chacun connaissait l’autre. Où la gérante préparait chaque année au soir du nouvel an une choucroute. Une si bonne choucroute que pour rien au monde je ne l’aurai ratée. Il faut savoir qu’elle collectait les timbres de l’épicerie voisine pendant toute l’année. A la mi-décembre elle me demandait, ainsi qu’à un ami, de venir coller ces timbres sur le carnet prévu à cet effet. Grâce à la somme ainsi épargnée elle pouvait payer presque tous ses achats pour cette soirée choucroute. En contrepartie de notre aide, cette charmante dame nous offrait le repas servi le soir du réveillon au café avec les bons clients qui eux avaient dû acheter leur place.
Puis est arrivé 1968. J’ai rencontré dans ce café un délégué mineur, ténor du syndicat CGT, et son suppléant. C’était un certain monsieur Weiss si ma mémoire est bonne. Il m’avait persuadé, ainsi que certains de mes potes, de prendre une carte au parti. Il nous a ensuite demandé de venir grossir les rangs des manifestations qui avaient lieues à Forbach. Nous étions en pleine période de trouble. La révolte était dans la rue. Je suivais cela de loin, ce n’était pas ma priorité. Mais il a su nous convaincre de sauter dans le train en marche. C’était un homme de conviction. Je me souviens avoir participé à un cortège qui défilait dans les rues de Forbach. Pendant tout le long trajet que nous suivions à pas lent, nous chantions : « il était un petit navire, oh hé, oh hé Pompidou, Pompidou navigue sur nos sous… ».
Le défilé s’est terminé sur la place du marché. Elle était noire de monde et une estrade avait été montée pour l’occasion. Des personnalités locales et syndicales y montaient pour prendre la parole à tour de rôle. J’ai complètement oublié ce qu’ils disaient. J’avais cependant le sentiment que quelque chose d’important se passait, sans pour autant tout comprendre. 
Quelques jours après cette manifestation, M. Weiss nous a réunis, mes amis et moi, pour organiser une quête auprès des habitants du quartier. J’ai reçu des feuilles que les généreux donateurs devaient remplir. Ils y inscrivaient leur identité et le montant versé puis ils signaient la feuille. Pour convaincre certains réticents à donner, je montrais la feuille remplie par le voisin pour qu’ils puissent découvrir combien il avait donné. Là ils se sentaient plus ou moins obligés de donner aussi. L’argent ainsi collecté devait servir à nous payer un voyage en car pour nous rendre à Paris afin de grossir les rangs des manifestants qui y défilaient chaque jour. Hélas, notre voyage n’a pas pu se faire, M. Weiss nous a dit que les manifestations devenaient trop violentes et que pour les jeunes que nous étions, cela était trop dangereux. Il y avait déjà des morts à Paris. 
Nous étions déçus car à cet âge on a peur de rien et cette aventure parisienne nous avait fait rêver quelques jours. Et puis soudain par un début d’après-midi bien calme, dans le café où nous jouions aux jeux habituels, est tombée une terrible nouvelle. « Dany le rouge est à la Brême d’Or » criait une personne qui venait d’entrer dans le café. Ni une ni deux, tous se sont levés et nous courûmes vers le poste frontière où la présence du déjà très célèbre Cohn-Bendit était annoncée.
 
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Sur la route nationale qui menait à la frontière, je voyais des camions de CRS. Au loin j’apercevais une foule immense qui cernait le poste de frontière. Il y avait de la fumée, certainement des jets de gaz lacrymogène. Une fois au plus près de la frontière, je voyais des manifestants s’opposer brutalement aux forces de l’ordre. Il y avait au loin Dany le rouge qui haranguait la foule côté allemand. Il voulait venir en France, les CRS l’en empêchaient, tout comme ils interdisaient aux manifestants français de traverser la frontière pour le rejoindre. Ce tohu-bohu a duré très longtemps et les affrontements étaient sévères. Les coups de matraque pleuvaient. Les bombes lacrymogènes explosaient. Je voyais voler toutes sortes d’objets. Certains jeunes se servaient de leur cache-nez comme d’une fronde pour renvoyer les bombes lacrymogènes vers les CRS. Un de mes amis, Pierrot, m’avait parlé de cette technique qu’il maîtrisait parfaitement. Je me rendais compte à quel point c’était dangereux, mais lui, Pierrot c’était un dur, un vrai, toujours en première ligne. Je me souviens encore que ce jour-là c’était la confusion totale. Les affrontements duraient mais les CRS ne cédaient pas. En m’approchant d’eux j’ai pu voir que le rideau de barbelés qu’ils avaient déployé était infranchissable. Mais, constatant au bout d’un moment que rien n’évoluait, j’ai quitté les lieux devenus trop dangereux à mon goût. Je suis revenu au café avec mes copains pour commenter avec eux cet épisode de guerre que je n’oublierai jamais.  J’ai appris par la suite que Cohn-Bendit a été emmené à la gendarmerie de Forbach. Il y a reçu son arrêté d’expulsion et a été rendu aux autorités allemandes.
Les semaines et les mois passèrent. Mai 68 avait vécu. Le général De Gaule avait cédé sa place à son premier ministre Georges Pompidou. Le cours de la vie reprenait son rythme habituel. J’ai vécu des temps forts, participé aux discussions où nous refaisions le monde. Maintenant il était temps d’avancer. J’avais grandi, la vie me tendait ses bras et j’ai filé vers d’autres aventures qui m’attendaient déjà... Jean-Lucien Miksa.
  


27/01/2017

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