NOSTALGIA, le Blog qui fait oublier les tracas

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Commémoration de la catastrophe minière de Luisenthal

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J'ai reçu un mél de mon ami Walter qui me demandait si je voulais l'accompagner à la cérémonie de commémoration de la catastrophe minière de Luisenthal en Sarre survenue le 7 février 1962.

J'ai bien entendu accepté et nous avons convenu un rendez-vous pour nous y rendre ensemble. Comme il m'avait offert un polo de son association des mineurs de Stiring-Wendel, il me dit que ce serait une bonne occasion pour l'étrenner.

Il avait raison, lorsque j'ai revêtu ce polo, je me suis senti comme "investi d'une mission", j'allais représenter (avec lui bien entendu) cette société lors de la cérémonie commémorative et je prenais ce rôle très au sérieux.  

Il est à peine huit heures passées que Walter sonne déjà à ma porte. Pas le temps de prendre un café, nous montons dans sa voiture, il me dit que je porte bien le polo de l'association et nous filons vers Luisenthal. Nous y arrivons un peu en avance et Walter en profite pour saluer d'anciens mineurs allemands et français qu'il semble connaitre.

D'ailleurs il ne fera que ça, serrer des mains et échanger quelques politesses tout au long de la matinée, enfin presque que ça, car en plus il prendra des tonnes de photos (dois-je le rappeler, c'est un photographe émérite). Jamais je n'ai entendu et dis autant de "Glück auf" que ce jour-là.

Quelques personnes sont déjà présentes à notre arrivée, on reconnait au casque jaune et à la combinaison rouge un sauveteur du Poste Central de Sauvetage des HBL

Peu à peu d'autres mineurs en tenue arrivent, puis les personnalités locales et un cortège se forme devant les portes de l'ancien siège des Saarbergwerke. Il y a environ un peu plus d'une centaine de personnes réunies par un temps froid, mais très ensoleillé.

Les porte-drapeaux sont en place, il y en a treize au total et le cortège s'en va vers le monument érigé pour la cérémonie. Les porte-drapeaux saluent un à un la statue de Sainte Barbe située devant un mur avec des niches, très exactement 299 niches, le nombre de mineurs tués lors de cette catastrophe. Ensuite ils se mettent en ligne de part et d'autre de la statue. C'est le moment où le président de l'association de Luisenthal fait un discours qui retrace les circonstances de la catastrophe qui a eu lieu il y a 56 ans à 7h50, faisant 299 victimes. Vient ensuite le dépôt de gerbes effectué par l'association, les personnalités locales et étrangères.

Après un moment de recueillement l'assemblée est invitée à se rendre à l'église de la ville où une messe aura lieu. Le président précise que nous sommes tous invité à un vin d'honneur qui aura lieu après la messe dans leur foyer.

Nous quittons les lieux pour arriver devant l'église où de nombreuses autres personnes nous rejoignent. Nous prenons place dans l'église et un rituel se met en place.

Dans le fond de l'église tous les porte-drapeaux sont réunis et devant eux un prêtre catholique et un pasteur protestant forment le début d'un cortège qui s'avance lentement vers l'autel, pendant qu'une chorale chante sur quelques notes de musique jouées par un organiste.

Les représentants ecclésiastiques se mettent à leur place respective à côté de l'autel, les porte-drapeaux saluent l'autel et déposent leur drapeau de part et d'autre au pied de l'autel, six mineurs déposent deux par deux une lampe à flamme sur chaque extrémité de l'autel et rejoignent les porte-drapeaux du côté droit de l'autel ainsi que dans la première rangée de bancs.

L'assemblée est bien plus nombreuse qu'au dépôt de gerbes, l'église est bien remplie, il doit y avoir environ deux cents personnes. La messe solennelle débute par la demande du curé de prier avec lui en récitant un "Notre Père".

Il entame alors un discours dans lequel il retrace les circonstances de l'accident : un coup de grisou à 7h50 le 7 février 1962 faisant 299 morts, 61 blessés. Parmi les tués le plus jeune devait fêter son 17ème anniversaire le 1er mars suivant et le plus âgé avait 59 ans.

 

Ce sont 51 communes qui ont été endeuillées, dont deux avec près d'une cinquantaine de morts chacune.

Le pasteur prend la parole à son tour pour réconforter chacun et la messe se poursuit dans la solennité. La fin de la messe est suivie du cérémonial inverse du début, les porte-drapeaux reprennent chacun le leur et attendent dans l'allée centrale que les mineurs reprennent les lampes à flamme et le cortège à nouveau formé quitte l'église.

Nous suivons l'assemblée qui se rend maintenant vers le foyer pour le vin d'honneur.

 


 

Le diaporama de cette journée d'hommage (Photos W. Heitzmann)

 

Ce fut un bel hommage rendu à la profession, j'étais ému par la ferveur des représentants de la corporation minière et des autres participants. Pendant notre marche Walter me dit se souvenir de cette catastrophe : "j'avais 16 ans, je jouais au foot sur le terrain de Schoeneck et on voyait dans le ciel des hélicoptères qui faisaient des va-et-vient incessants, on se doutait bien que quelque chose de grave venait de se passer, mais ce n'est que le lendemain que j'apprenais par le France Journal (la version allemande du journal Le Républicain Lorrain) la catastrophe et l'ampleur de celle-ci".

Un moment de silence s'installe, je ne sais quoi dire, nous sommes tous deux d'anciens mineurs, lui du fond, moi du jour, et nous savons que la profession a payé un lourd tribut pour la production du charbon, je respecte néanmoins ce moment et nous poursuivons en silence notre marche.

Enfin nous arrivons au foyer où je découvre la salle avec des rangées de tables et chaises qui ne demandent qu'à être occupées. Avant de prendre place nous prenons un café bien chaud que nous proposent les personnes à l'accueil. Les sièges sont très vites occupés et certaines personnes sont obligées de rester debout, qu'à cela ne tienne, le président de l'association de Luisenthal demande le silence et prononce un discours.

Il rend à nouveau un dernier hommage aux victimes de la catastrophe et remercie les participants aux cérémonies d'être venus témoigner leur solidarité à la profession.

Il remercie tout particulièrement les nombreux représentants des associations de mineurs allemandes, belges et françaises en précisant que la corporation minière démontre une fois encore sa solidarité. Il propose ensuite à chacun de prendre le pot de l'amitié.

Le président lors de son allocution (on remarquera une horloge au mur derrière lui, arrêtée comme celle à l'entrée du Siège à 8h10, ce n'est plus une coïncidence, c'est à ce moment-là que le temps s'est arrêté pour la profession minière de Sarre)

A la fin du discours il y a des knacks et du pain qui nous attendent ainsi que des boissons à volonté pour les accompagner. Walter se propose de faire le service, il est sympa mon camarade…merci !

Dans la tablée où nous nous trouvons il y a des allemands qui s'adressent à nous et échangent des politesses. Mais en face et à côté de moi j'entends parler français.

Je me présente et j'apprends que ce sont de fidèles membres de l'association de Petit-Ebersviller qui viennent à toutes les manifestations de commémorations minières.

Ils projettent d'ailleurs de se rendre en été à Bochum en Allemagne pour assister à une grande cérémonie pour fêter la fermeture du dernier Puits d'extraction du charbon en Allemagne. J'avais déjà repéré la dame qui est juste en face de moi lors de notre marche après la messe car elle portait un appareil d'aide respiratoire. C'est très étonnant pour moi qui sais et connais des mineurs de fond qui en sont équipés, mais une femme ?

Voyant qu'elle est une boute-en- train, une meneuse d'hommes, c'est elle qui fait des propositions pour le déplacement à Bochum où elle compte se rendre avec d'autres membres de son association, je lui demande sans détours pourquoi un tel appareil ?

Elle me répond que malheureusement l'amiante qui était présente dans son environnement pendant presque toute sa période d'activité professionnelle avait fait de trop gros dégâts dans ses poumons. Elle m'a sorti des termes techniques que je ne comprenais malheureusement pas, mais qui sonnaient comme des coups de canons. "sans cette aide extérieure qui m'est indispensable", dit-elle encore, "sans ça je ne pourrais pas mener une vie presque normale".

Ce "presque", j'en ai mesuré  toute l'importance, ce mot à lui tout seul valait mieux qu'un long discours !  

Elle en a du courage cette dame, seule parmi tant d'hommes, des durs, des costaux, ceux qui ont connus le fond, approché le danger, connu la blessure dans leur chair, elle, elle est ici, parmi eux comme à la maison et tous semblent la respecter car sa souffrance est bien connue de la profession.

Je la regarde et elle sourit, s'adresse à chacun et lance des projets, quelle force, quelle joie communicative. Chapeau bas Madame !

Mais l'heure avance, les assiettes se vident, les verres aussi, je fais un signe à Walter et nous quittons la salle, non sans que là encore il ne serre de nombreuses mains et pose pour une dernière photo avec le président des mineurs de Luisenthal et moi-même.

C'était notre humble participation à cette commémoration transfrontalière dont je garderai le souvenir d'une belle matinée de rencontres et de partage.

Photos W. Heitzmann, rédaction JL Miksa, février 2018.  

 

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19/02/2018

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