1985, la catastrophe du Puits Simon : Témoignages
Jean-René BEGUIER a travaillé au Puits Simon le jour de la catastrophe du 25 février 1985. Il s'apprête à accéder à la Bowette Sud lorsqu'il est soudain violemment projeté contre la paroi de la galerie...
Egalement sauveteur, il a été parmi les premiers à se rendre sur les lieux, quelques minutes seulement après l'explosion qui fera 22 victimes et 269 blessés.
Son témoignage, consigné quelques jours après la catastrophe, est un document inédit relatant avec beaucoup de précision et de détails le déroulement de cette journée qui restera gravée dans la mémoire de toutes les familles de la région.
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Lundi 25 février 1985
Après la répartition du personnel au jour, je prends la cage à 06h15 pour descendre à l’étage 1036, puis le train de personnel pour le 1 T.B.O. intermédiaire où la Cie Vercuque creuse le 1 T.B.O. intermédiaire et l’équipe Philippi occupe deux chantiers de bétonnage.
Pendant les week-ends les chantiers en aérage secondaire sont barrés par du grillage et des panneaux d’interdiction d’entrer.
Le chef de Cie Vercuque est resté au jour en réunion « plancher de travail ». En son absence j’effectue l’ouverture du chantier et je donne les consignes au personnel.
J’appelle le dispatching de l’étage 1036 pour faire sortir les chariots de transport de matériel vides (edex), du chantier. La chasse aux edex vides est le premier objectif du roulage après le transport du personnel, le jour manquant de chariots pour charger le matériel pour le fond.
L’équipe Philippi est composée de 3 hommes, spécialisés dans la confection de structures en béton. J’ai le choix de l’occuper sur 2 chantiers de mêmes importance, soit, de continuer la confection d’un mur en béton de soutènement qui doit pallier à un hors direction important de la galerie et ce mur doit faire la jonction avec l’entrée de la voie de base de la veine 18, en aval aérage, ou continuer le bétonnage du poitrail de la carrure.
Je choisi donc d’occuper le chantier du mur en priorité.
Ce choix sera malheureusement déterminant pour Philippi. Quelques jours auparavant le personnel du Secteur Rocher a dû remettre en état l’arrêt barrage d’isolement qui se trouve en voie de base de la veine 18, plusieurs bacs étaient cassés ou en partie vides, en prévision de la visite de l’Ingénieur des mines Stoffyn dans ces chantiers.
Effectivement le jour de la visite, la DRIR s’est aventurée jusqu'à cet endroit pour effectuer ses contrôles, dont l’ABI.
Je ne m’attarde pas plus longtemps dans ce secteur car je m’occupe aussi des chantiers en bowette sud, la Richt Ouest (Cie Galéra), une équipe de raucheurs (Cie Sarno), une Cie de creusement rapide de carnets d’eau (Cie Bubel), soit 41 hommes au total au poste du matin à 1036 pour le secteur rocher. (Cies Galéra, Vercuque, Sarno, Bubel, Equipe Philippi).
Le chef de Cie Vercuque Jacques dans le godet d'une chargeuse E633
Je m’apprête à rejoindre la Bowette Sud par la voie de base de la Ve 18, ce que je fais à l’accoutumée, (le chemin est plus court et j’évite aussi le courant d’air important de l’aérage primaire de la galerie Principale Ouest), lorsque le « Rouquin », Schoenhentz Stanislas, entre au chantier avec sa loco pour récupérer les edex vides. Chaque jour, la priorité du roulage, après avoir effectué les transports du personnel vers les chantiers, est de récupérer les chariots vides des chantiers du fond pour les ramener au puits, afin qu’ils soient rechargés au jour pour assurer la logistique du fond.
Je lui donne un coup de main pour effectuer les manœuvres d’accrochages, et pour plus de commodités je décide d’emprunter cette loco comme moyen de transport jusqu’à l’entrée de l’accès de la bowette Sud.
On se dirige vers le puits par la Richt Ouest. Arrivé à la hauteur du garage locos je descends. Je salue Akielaczek, le conducteur du secteur Rocher, qui est en train de préparer sa loco pour le poste.
Je suis dans l’accès de la Bowette Sud lorsqu’il y a un ébranlement important de la galerie et du daisne semblable à un violent coup de charge, suivi d’un souffle important.
Je suis projeté contre la paroi de la galerie puis j'ai la sensation d’être aspiré vers l'avant.
Je rétablis l’équilibre de mes tympans. Une poussière blanche (stérile) envahit la galerie. Pendant un instant la visibilité est pratiquement nulle. Ma lampe à flamme est éteinte. Je ne la rallume pas.
Je regarde à ma montre de poignet celle-ci a perdu l’aiguille des minutes (lors de mon déséquilibre j’ai dû cogner ma montre contre un cadre de soutènement). Ma montre à gousset, elle, indique 07h21.
Je me dirige aussitôt vers la Bowette Sud avec mon foulard sur la bouche.
Arrivé à la hauteur des 3 ventilateurs « Kaufmann 36 Kw», dont 2 sont en séries et alimentent en air, par le biais de 2 lignes de ventubes de diamètre 1200, les chantiers au rocher, je rencontre 3 hommes hébétés se dirigeant vers moi, dont un, qui se tient la tête, soutenu par ses 2 collègues.
Je demande aux 2 hommes valides de ramener leur compagnon blessé au-delà des ventilateurs, à cause du bruit, et de le mettre en P.L.S.
Les poussières se sont dissipées et je me dirige vers l’entrée de la Bowette-Sud.
Le treuilliste du monorail de la Ve 18 est assis sur le siège conducteur. Il ne cesse de répéter que c’est au moment où il appuyait sur le bouton de démarrage du treuil qu’a eu lieu une explosion.
Un jeune mineur marocain, blessé au visage, se tient debout, hagard, sur le seuil de la porte d’entrée du magasin de chantier.
Je constate un dérangement anormal du matériel stocké au pied du rampant silo et les 2 lignes de ventubes de la Bowette Sud sont déboîtées et à terre sur plus de 100 m.
Les ventilateurs tournent à vide.
J.R. Béguier (au centre)
Le Porion de Quartier de la Ve 18, Schemel, est près du magasin. Je lui demande ce qui est arrivé, il ne sait pas. Il pense que cela provient de la Bowette Sud. Je jette un coup d’œil vers la Bowette Sud et je me m’approche du rampant silo.
Le matériel stocké dans le rampant est sens dessus dessous. Des canars métalliques de diamètre 600 encombrent le montage. Il y a même un canar, au milieu du plan, debout contre la ligne du monorail.
Je réponds à Schemel que cela ne peut provenir que du rampant silo.
Je coupe l’alimentation des ventilateurs de la Bowette Sud au niveau des coffrets, car ils tournent inutilement et le bruit est très gênant. (Par la suite, j’ai dû établir un rapport détaillé à ma hiérarchie sur ce fait)
Schemel donne l’alerte au jour par téléphone.
Je téléphone au chef de compagnie Galéra et je lui donne l’ordre d’évacuer immédiatement avec son équipe et de faire sortir de la Bowette Sud tout le personnel qui s’y trouve.
Je lui dis que je crois à un coup de grisou en Ve 18. Je lui signale que l’aérage secondaire des chantiers est hors service et lui demande de prendre avec lui les appareils auto-sauveteurs « APEVA » stockés dans nos chantiers et de les mettre en service.
Je préviens Schemel que je vais voir ce qui ce passe dans le rampant silo. Je retire ma veste et je mets mon carnet de rapport dans ma chemise.
Je monte rapidement vers la voie de base de la Ve 18, le rampant est encombré de matériel, je dois passer par-dessus les canars et matériel divers.
Je pénètre en V.d.B. Je constate que les bacs à eau de l’ABI à l’entrée de la V.d.B sont pulvérisés.
Dans le rampant silo, à droite et dans l’axe de la V.d.B, les panneaux de garnissage du parement sont anormalement enfoncés avec du matériel encastré.
Les coffrets électriques sont dérangés et certains sont en déséquilibres sur leurs supports.
Je continue ma progression et, à environ 40 m de l’entrée, une fuite d’eau importante balaye toute la section de la galerie. Un gros trou dans un tuyau de la conduite d’eau de diamètre 100 laisse échapper l’eau sous pression.
Je connais bien le secteur en ce qui concerne le sens de l’aérage et les débits d’air, car nous en possédons les schémas.
Je passe au travers du rideau d’eau. Mon casque est projeté par la pression de l’eau et ma lampe du casque s’éteint. Je récupère mon casque et rallume la lampe.
Je suis trempé jusqu’aux os. La lumière est anormalement absorbée par l’environnement.
En reprenant ma progression je butte contre un élément de tubbing qui est posé en travers de la voie. Derrière l’élément de tubbing, ce que je crois être un morceau de mousse en polyuréthane est en fait la partie inférieure d’une jambe, coupée sous le genou, chaussette en place et sans chaussure.
Je réalise que quelque chose de grave vient de se produire.
Je progresse lentement en essayant de repérer le corps, en vain.
L’atmosphère est propre et respirable.
Le ventilateur de l’aérage secondaire du montage, ainsi que les 2 silencieux, pendent démontés chacun à une chaîne. Le ventilateur est à l’arrêt.
Je passe ma main sur un cadre de soutènement, il est couvert de suie grasse.
Il n’y a aucun bruit, j’entends le silence. Je ne sens que cette odeur particulière et indéfinissable qui me brûle les narines. On a l’impression de se trouver dans un sarcophage géant.
La lumière de ma lampe est absorbée par cette suie noire et mate qui recouvre les parements. Je connais pourtant cet endroit, mais plus rien n’y ressemble. Je m’attends à chaque instant de voir quelqu’un surgir devant moi, tout est irréel.
J’arrive au pied du montage, une épaisse fumée de couleur rouille (poussière de charbon) venant du chantier de la veine 18 se dirige en aval aérage vers les chantiers du 1er T.B.Est intermédiaire (Cie Vercuque). Je sens une odeur âcre. Je crains une atmosphère explosible et à ses conséquences.
Au pied du montage, dans le plan, je distingue en partie un corps. Je ne m’approche pas plus près, en tant que sauveteur je connais très bien les risques d’intoxication lié au CO.
Je quitte les lieux.
Je donne la situation à Schemel et lui demande d’appeler le jour pour faire descendre les équipes de sauveteurs, ce qu’il fait immédiatement. Il reçoit l’Ingénieur Martin au bout du fil, puis il me passe le combiné, j’expose brièvement la situation en V.d.B. à l’Ingénieur.
Je n’ai pas le temps de finir que celui-ci me raccroche au nez sans me répondre, comme s’il ne voulait pas entendre la réalité.
Je remonte en V.d.B. avec Schemel pour qu’il constate lui-même la situation. Arrivés devant le rideau d’eau Schemel décide de ne pas continuer et nous redescendons aussitôt.
Les équipes de la Bowette Sud arrivent en touristes sans avoir mis leurs appareils respiratoires en service. Je fais l’appel au fur et à mesure de leurs passages.
J’envoie 3 hommes avec une loco au 1er T.B.O. intermédiaire pour reconnaître la situation et m’en faire part.
Avec Schemel, je fais couper l’eau, à la vanne, au pied du rampant pour faciliter le passage des équipes de sauveteurs.
Le Chef Porion Boslé arrive sur les lieux. Je fais mettre en attente à l’entrée de l’accès de la Bowette-Sud le reste du personnel du Secteur Rocher.
Je remonte avec Boslé par le rampant silo et nous pénétrons dans la V.d.B. de la Ve 18.
Par mesure de précaution nous nous équipons chacun d’un APEVA que nous mettons en service sans les utiliser.
Nous progressons en inspectant les lieux en détails. Dans la V.d.B., à environ 70 m nous trouvons un corps lové dans le CB. Nous décidons de l’en sortir. En le tirant, le corps désarticulé épouse la rehausse. Il lui manque une jambe. Nous posons le corps dans la V.d.B et là, nous reconnaissons Gander, l’électromécanicien. Son corps se trouve à 40 m de sa jambe. Coincé dans le garnissage on retrouve un étui avec des lunettes, on pense qu’il appartient à Gander.
En arrivant à la hauteur du ventilateur de l’aérage secondaire des chantiers, une épaisse fumée blanchâtre s’échappe d’un silencieux vers l’aval aérage.
En regardant à l’intérieur on s’aperçoit que les tampons de laine de roche sont incandescents, il en est de même pour le 2 ème silencieux. Je démonte les boulons des grilles qui ferment l’entrée des silencieux avec ma pince multiprise.
Boslé me demande de chercher un élément de panneau de garnissage et de m’en servir pour extraire les tampons. Avec la partie recourbée j’accroche et tire les tampons à l’extérieur des silencieux. Aussitôt en contact avec le courant d’air les tampons deviennent incandescents. Je les passes à Boslé qui en déchire la gaine et trempe la laine de roche dans l’eau de ruissellement puis l’écrase avec ses bottes.
Schemel arrive à ce moment-là. Je l’envoie chercher un extincteur. Pendant ce temps j’essaie de démonter les 2 grilles de protections du second silencieux. Schemel arrive avec un extincteur pour éteindre les flammes à l’intérieur du ventilateur.
Je continue à détacher les tampons et je les passe à Boslé.
Quelques tampons déchirés se trouvent dans le ventilateur et lorsque je veux les sortir, des flammes jaillissent et j’utilise l’extincteur pour les éteindre.
Ensuite je suis relayé par Schemel.
Des essais seront faits sur un ventilateur avec silencieux au CHERCHAR de Petite-Rosselle pour confirmer ou infirmer nos dires. Les résultats sont négatifs. Bien sûr ces essais ont été faits sur du matériel neuf qui n’a jamais été au fond. J’en ai fait la remarque. De nouveaux essais positifs sont faits avec du matériel provenant du fond et chargé de poussières
08h30
L’Ingénieur Barou arrive avec une équipe de sauveteurs accompagné par le chef porion Dahlem et le porion Grundman Robert du Service Aérage.
L’équipe de sauveteurs du siège de La Houve est celle qui était de permanence.
Son jeune chef d’équipe va réaliser sa première intervention. Celui-ci m’apprend que Schroeder le collègue qui m’a remplacé est en reconnaissance avec son équipe au 1er TBO intermédiaire à 1036. Les sauveteurs effectuent une courte reconnaissance dans les premiers mètres du montage pour faire une prise de mesures avec l’explosimètre.
L’appareil confirme une atmosphère explosible.
Je redescends au pied du rampant silo et, à la demande de Boslé, comme nous sommes sans nouvelles du 1er TBO inter. je vais reconnaître la situation avec le personnel de Galéra.
A l’entrée de l’accès de la Richt Ouest, je croise 2 trains, l’un qui se dirige vers le puits avec des blessés et l’autre chargé de brancards vides qui va vers la Richt Ouest.
J’aiguille les 2 trains pour faciliter le roulage. Je réceptionne et dirige les blessés qui marchent à pieds vers le puits. D’autres sont assis sur le sol ou sur le muret du carnet d’eau.
Arrivé au 1 TBO interm. je constate que les hommes du Secteur Rocher ont été évacués.
Je demande à Galéra qu’il prenne son personnel et vienne en aide au 3 ème et 4 ème TBO.
Je suis rejoint par Boslé, je contrôle le TB et ramasse les effets personnels se trouvant aux chantiers et les fait mettre dans un sac.
Boslé me demande de barrer le chantier avec du grillage.
Arrivée du Chef porion de l’aérage Dahlem au 1 er TBO interm. Je reste avec lui pour effectuer des contrôles de l’aérage.
11h30
A mon retour en Bowette-Sud je rencontre le porion Neumann, au téléphone, dans l’accès de la Richt Ouest, près du magasin électromécanicien. Il me dit qu’il est chargé de faire le pointage du personnel du Secteur Rocher qui est descendu à l’étage 1036 au poste 1.
Je lui fais savoir que j’ai 40 hommes à l’étage 1036, il me répond qu’il n’y en a pas 40 mais 41. En effet un jeune mineur avait été envoyé dans un de mes chantiers sans que je j’en sois averti. Au pied du Rampant Silo en Bowette Sud, je guide les sauveteurs qui arrivent, et les informe en gros sur la situation en V.d.B. de la Ve 18.
14h00
La première victime arrive avec une équipe de sauveteurs. Je remonte avec eux au jour.
Le brancard chargé dans une ambulance, je rentre à pied du Puits 5 vers nos bureaux.
15h30
J’ai les poumons et les yeux qui me brûlent, j’ai aussi des douleurs auriculaires.
Au jour en me regardant dans une glace je ne vois que deux yeux rouges. Mon visage est noir ébène.
Après ma douche. Je vais avec Boslé à l’hôpital Ste barbe pour un contrôle médical.
Nous ne sommes pas bien les bienvenus. « Pourquoi arrivez-vous si tard ? », nous demande le médecin. Nous lui expliquons que nous sommes remontés du fond à 14h00.
On a dû se contenter d’une simple radio du poumon et d’un « au revoir ».
Un collègue infirmier des H.B.L. qui ramenait des blessés légers avec son ambulance lors de l’une de ses rotations, me racontera plus tard qu’il s’est entendu dire par un membre du personnel soignant de l’hôpital Ste Barbe, qui rechignaient à les prendre en charge « vous commencez à nous emmerder avec vos blessés ».
Mercredi 27.02.1985, 20h00
Le soir même je descends en tant que sauveteurs avec mon équipe. Nous avons comme ingénieur accompagnateur Holstein. Nous explorons le reste du chantier Roc Miner jusqu’au pied du second plan Brégand.
Aucune ventilation n’aère les 2 chantiers.
Au milieu du premier plan, 1% d’O2, (qui correspond aux fuites des appareils auto-sauveteurs). Pas de trace de CO. Il fait très chaud. La vitre de mon masque est embuée. Je mets en service le boîtier de carboglace et je nettoie la vitre de mon masque avec l’essuie-glace manuel.
Chaque sauveteur porte une combinaison de protection de couleur orange avec cagoule contre la flamme d’explosion (1200°C durant 3 secondes environ.) Le chef d’équipe est équipé d’un masque panoramique Draeger qui recouvre tout le visage. La communication radio avec l’équipe de base en attente à l’entrée du chantier en voie de base se fait par un généphone incorporé au masque et par l’intermédiaire d’une dérouleuse de 300m de fil.
Les 4 équipiers respirent à l’aide d’un embout buccal et portent des lunettes de protections et un pince nez. Les porteurs d’embouts n’ont pas le problème de visibilité et peuvent aisément s’essuyer le visage ou bien se gratter.)
A la hauteur de la tête du premier plan, dans la partie horizontale, au sol, un capuchon rouge de sentinelle de tir. Le capuchon fondu par la chaleur a la forme d’une lampe à casque, côté verre !!
Côté chantier Erbs, un brancard est posé à plat sur le daisne avec une victime décédée.
L’accès au montage Brégand, est encombré de matériel divers, le passage est difficilement accessible. En progressant à quatre pattes dans le convoyeur blindé nous trouvons la 5ème lampe à flamme du chantier. Juste avant le montage nous constatons une fuite d’air comprimé importante au niveau de la jonction des conduites. Nous réparons la fuite d’A.C. sur le réseau.
Après presque 2 heures d’intervention, nous redescendons avec la dernière victime du chantier (l’un des frères Cusmano). Toute l’intervention s’est faite avec embouts et masques respiratoires. En fin d’intervention et, arrivé avec le brancard dans la voie de base, je me suis arrangé pour que mes équipiers se trouvent en aval aérage du brancard. Ils ont pris l’odeur de la victime en plein dans les narines. Bizutage nécessaire pour leurs prochaines interventions.
Nous sommes relayés par une autre équipe de sauveteurs. Les 4 jeunes sauveteurs qui formaient mon équipe effectuaient leurs premières interventions. Ils ont effectués leur travail avec rigueur et professionnalisme. Par la suite un seul a quitté les HBL.
Seconde intervention avec l’ingénieur Bonnet.
Dans le chantier accidenté, à la demande de l’ingénieur, nous effectuons plusieurs relevés, en particulier dans le montage Brégand. Croquis et écrits sont consignés dans mon carnet par Bonnet.
- Une chaussure de sécurité à 1 m dans le montage.
- Prise de mesures à front, en hauteur et bras tendu.
- Teneur explosible en CH4 avec CO.
- Tas de charbon en place à front !
- Dans le montage, à droite, on retrouve le téléphone du chantier accroché au parement, intact.
Cette catastrophe aura fait 22 morts et 269 blessés ou intoxiqués.
Pendant l’intervention, j’ai ramassé un capuchon rouge en plastique de sentinelle de tir dans la voie intermédiaire, à environ 20 m de la base du montage amont (Brégant).
Ces capuchons sont utilisés par les Boutefeux pour placer des sentinelles barrant les accès pendant les opérations de tir.
Le capuchon rouge est placé sur la lampe à casque de la sentinelle, par le Boutefeu lui-même. Le capuchon trouvé, déformé par la chaleur, avait-il pris la forme d’une lampe à casque aplati sur son verre ?
Les manquements à la sécurité sont souvent le fait de certains agents de maîtrise, par zèle, par inconscience ou par peur des conséquences de la part de sa hiérarchie par manque de résultats.
Quelques exemples :
- 6 mois après l’accident du 25 février 1985, en passant par une taille en exploitation pour rejoindre un de mes chantier, je vois un Jet-flow dirigé directement sur une tête GTM situé en tête de taille afin d’en fausser les données. J’en ai avisé le porion de sécurité du secteur qui a pris ma réflexion de haut.
- La même année j’ai surpris un agent de maîtrise du secteur Rocher tirant une mine ratée avec son grisoumètre VM1.
Il est fréquent que l’explosif soit détournés se sa fonction première :
- Par les électromécaniciens dans les tailles machine pour libérer les axes sur les haveuses en utilisant des cartouches de 100 gr d’explosifs. Lorsqu’un boutefeu effectue l’opération toutes les précautions sont prises, mais lorsque cela arrive un jour férié ce sont les électromécaniciens eux-mêmes qui utilisent de l’explosif de leurs propres initiatives.
- Par les Raucheurs pour couper les cadres de soutènement métalliques.
- Pendant les Week-ends ou les jours fériés, les électromécaniciens, lors de travaux à proximités des ventilateurs, les arrêtent à cause du bruit.
En fin de travaux les agents de maîtrise électromécaniciens qui ne sont pas habilités pour effectuer des dégazages de chantier, doivent faire appel à un agent de maîtrise d’exploitation pour effectuer un dégazage, ce qui est rarement fait. La mise en route brutale des ventilateurs sans respecter les procédures font que lors de la reprise du travail on retrouve souvent les ventubes déboîtés avec les graves conséquences que cela peut avoir dans un chantier grisouteux.
- La consolidation des terrains dans les tailles (passages de failles) en prévision des creusements de galerie. Un éboulement important d’une galerie au rocher s’est produite au passage sous une taille exploitée. On y a retrouvé des bidons complets de produits de traitement de terrains non utilisés. On a appris que le porion de quartier de la taille a donné l’ordre de jeter les produits dans le vieux sans les utiliser afin de ne pas perdre de temps. Conséquences : risques d’accident grave, voire de victimes, et ralentissement importants du creusement de la galerie éboulée. Le porion de quartier de la taille n’a pas été inquiété car la production de charbon primait sur la sécurité.
- Les tournées des sous-chefs porion sur les postes de midi ou nuit, sont souvent aléatoires.
- A l’étage 340 du puits Simon. Près du puits il y a un magasin servant aux abouts où certains sous-chefs se rejoignent régulièrement pour finir leur poste.
- Lacunes lors de la schistification dans les galeries, surtout en pendage. Pour plus de facilité, la majorité du calcaire est étalé sur le daisne plutôt que sur les parements...
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