Commémoration de la catastrophe minière du Puits Vouters.
Ce samedi 30 septembre 2017 a eu lieu la quarante et unième commémoration de la catastrophe qui a fait 16 victimes le 30 septembre 1976 à l'étage - 1036.
Le rendez-vous est donné pour 14 heures devant la stèle dressée à l'entrée du Siège Vouters.
J'arrive bien à l'avance car je dois rencontrer mon ami Walter qui prendra les photos de la commémoration.
Nous sommes les premiers et en profitons pour bavarder un peu en attendant les autres invités. Il fait un sale temps, la pluie portée par de légères rafales de vent glace les mains et les visages.
Ce sont les camionnettes des fleuristes qui arrivent ensuite pour déposer en haut des quelques marches qui mènent à la stèle, les gerbes que différents intervenants déposeront devant celle-ci. Suivent quelques personnes qui garent leurs voitures et petit à petit la foule se forme. Certains visages sont emprunts de gravités et certains autres laissent paraitre un sourire généreux, celui de personnes qui s'étaient perdues de vues après avoir travaillé ensemble.
Une fois l'assemblée réunie, le président de la fédération des mineurs Patrick Neu fait un discours et égrène un à un les noms des 16 victimes âgées de 19 à 46 ans tuées lors de cette catastrophe dans un silence prenant :
- Mohamed Bnessaghyr, Robert Bouque, Jean Bour, François Cordonnier, Romano Crivelotto, Erwin Dorr, René Grossmann, Roger Karmann, Edouard Marck, André Mottl, Bertrand Parizot, Jean-Claude Reinartz, Dante Sarli, Paul Weber, Siegfried Weiler et Hubert Zerger.
Il précise qu'ils laissent 16 veuves et 38 orphelins.
Il demande ensuite à chacun de respecter une minute de silence en leur hommage, ce qui est fait dans le plus grand respect puis demande aux différents représentants de déposer les gerbes devant la stèle. Les syndicats, la fédération des mineurs et la ville de Freyming-Merlebach désignent deux personnes pour réaliser cette action.
Les gerbes sont maintenant déposées et le président passe la parole à Monsieur Lang, maire de Freyming-Merlebach qui à son tour prononce un discours.
Il dit se rappeler de cette triste journée et évoque l'accident en précisant que "toutes les malheureuses victimes qui luttaient contre un incendie ont péri et sont restées au fond où leurs corps reposent encore". Il ajoute aussi que "de nombreux sauveteurs qui ont tentés de leur venir en aide ont également péris ce jour-là et gisent aux côtés de leurs camarades qu'ils étaient pourtant venus sauver". Il rappelle également "que la région Lorraine et toute le France a profité de l'effort et des sacrifices des mineurs pour redresser le pays après la guerre".
Le président de la fédération des mineurs reprend la parole pour annoncer la fin de la commémoration.
Le président Patrick Neu entouré des porte-drapeaux des associations de mineurs et sauveteurs en tenue.
La cérémonie est terminée, les gens se séparent, l'ambiance est tendue.
Alors que presque tous ont quittés les lieux, une dizaine de personnes, les membres de familles des victimes, se retrouvent devant la stèle pour se recueillir.
Je suis bouleversé de voir ces personnes, soudées les unes aux autres, immobiles pendant de longues minutes sous cette pluie.
Walter prend une dernière photo et à notre tour nous quittons l'endroit encore baigné par tant de détresse.
Si ce jour-ci il n'y avait pas autant de personnalités et de participants à la commémoration que l'année précédente, qui était le quarantième anniversaire de la catastrophe, étaient présents les fervents représentants de la profession, dont malheureusement le nombre se réduit d'année en année. Les plus jeunes des derniers mineurs ayant connu le fond doivent avoir passé la barre des 55 ans aujourd'hui et ils n'étaient plus très nombreux à la fermeture du dernier puits d'extraction de la Houve en 2004.
Les derniers vrais mineurs à avoir travaillé dans les mines de charbon voient leur nombre diminuer rapidement, trop rapidement, bientôt il ne restera que les musées et quelques reportages pour témoigner de cette épopée du charbon.
Dans ma voiture qui me ramenait à la maison, mon esprit me renvoyait les images de cette fumée noire qui s'échappait du carreau de Vouters.
J'étais à l'époque au service architecture qui avait son bureau au 8ème étage de la Direction Générale. Les autres dessinateurs, tout comme moi, avions les yeux fixés sur cette fumée. Aucun ne commentait, tous savaient que quelque chose de grave se passait. Je me souviens du profond silence qui régnait dans notre bureau, un silence presque malsain, qui prouvait malheureusement que nous étions impuissants devant un tel phénomène.
Parmi les dessinateurs que nous étions il y en avait deux qui avaient débuté leur carrière au fond et ils étaient bouleversés, s'attendant au pire. Malheureusement des coups de fils venu de je ne sais d'où, ni de qui ils émanaient, nous annonçaient la bien triste nouvelle : "il y a le feu au fond".
Ces quelques mots désignaient ce qui pouvait arriver de pire et tous redoutaient les lourdes conséquences qui en résulteraient.
Après la catastrophe il fut décidé que la messe d'enterrement allait se tenir dans le garage des HBL à proximité de la DG. Mon ami Legendre a fait le plan du catafalque et dessiné les alignements de chaises et leurs attributions.
C'est l'évêque de Metz qui fit la messe d'enterrement entouré d'un représentant de toutes les autres religions. Les ecclésiastiques ainsi que de nombreuses personnalité prirent la parole pendant la cérémonie religieuse.
Mais leurs élogieux discours, si utiles fussent-ils aux croyants, n'ont pas empêchés les autres tragédies, individuelles ou collectives, qui ont suivies…
La "Mine" est sans pardon, la moindre saute d'humeur de la nature ou un geste irréfléchi d'un des siens se paye au grand comptant.
Glûck Auf ! "Ô Charbon, que de crimes ont été commis en ton nom !"
Texte JL. Miksa, photos W. Heitzmann.
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