J.F. Hurth : Police, Sexe et Harmonica
Amédée FOUILLARD n'était pas Shérif, juste Officier de Police du district de NOIREMINE, une ville qui "était une fois dans l'Est".
Ce fin limier était chargé de la sécurité des 17.216 habitants qu'on appelait les "NOIREMINEURS".
Et l'on pouvait dire que la ville était bien gardée, pas comme à MARSEILLE où même les Arabes n'osent plus sortir le soir.
Quant aux NOIREMINEURS, beaucoup d'entre eux passaient leur journée sous terre, dans le monde du charbon, de l'obscurité et souvent de la peur.
Mais de retour chez eux, dans leur coron de surface, la télé les rassurait tous les soirs, en leur annonçant des misères et des catastrophes bien plus grandes, mais qui avaient lieu ailleurs. Alors la vie redevenait belle et la trouille plus facile à vivre.
A NOIREMINE un jour, le drame eut lieu quand même.
Amédée Fouillard a 47 ans. Son épouse TATYANA est une splendide Biélorusse d'importation, de couleur blanche.
Charpentée comme une nageuse Soviétique, à l'exception de deux seins audacieux, elle a dû laisser tomber sa profession de vétérinaire, en même temps que tombait le mur de Berlin. Or, l'ensemble tombait bien, car Tatyana, grâce aux frontières désormais ouvertes, put arriver en France sans armes ni bagages car aucun de ses diplômes n'y fut validé.
Alors, amoureuse du monde animal comme elle l'était, c'est sans hésitation, ni embarras du choix d'ailleurs, qu'elle accepta d'exercer sa passion et ses connaissances, à l'abattoir municipal, en qualité de "désosseuse" de 1ère classe.
Amédée et Tatyana eurent deux enfants, conçus amoureusement et selon les préceptes d'une fameuse méthode. Celle du Dr. "HO GINO", un gynécologue Asiatique de couleur jaune, nippon ni mauvais mais bien allumé quand même, car il voulait réguler les naissances dans le monde entier, grâce à une méthode qui portait son nom, mais qui ne fonctionnait que lorsque les couples ne couchaient pas ensemble.
Le corollaire de cet échec contraceptif, se traduisit par des milliers d'enfants qui dès leur naissance faisaient tirer la tronche aux parents, quand ce n'est pas le couple qui se défaisait, chacun accusant l'autre d'avoir couché ailleurs.
Il faut aussi préciser que le Dr. HO GINO avait de bonnes raisons d'en vouloir aux femmes.
Oui, à la fin de la guerre, deux de ses maîtresses n'eurent même pas la courtoisie de le prévenir de leur disparition.
L'une à HIROSHIMA, à la suite d'une fausse couche, l'autre à NAGASAKI dans un accident de voiture, pas loin de la gare.
Rappelons qu'il a définitivement cessé de vivre dans les années 70. Mais, dans certains EHPAD, quelques unes de ses anciennes victimes, lui en veulent encore derrière leurs déambulateurs.
Mais revenons à l'Amédée Fouillard qui dans son rôle de justicier local, était très occupé par le grand banditisme qui régnait dans sa ville.
C'est à regret qu'il mettait ses malfrats au violon, alors qu'il jouait bien mieux de l'Harmonica. BANDITISME oui !
- Dans les maisons de retraite où l'alcool, la drogue et une prostitution déferlante, faisaient des ravages.
- Dans les écoles primaires où les maîtres étaient confrontés au terrorisme des élèves, qui exigeaient avec la complicité des parents, la suppression des mauvaises notes et la traumatisante correction à l'encre rouge.
- Plusieurs cas de "radicalisation" avaient été signalés chez les 3ème année de maternelle, sans compter un spectaculaire vol de "GABARDINE" dans le vestiaire du centre culturel, lors d'une soirée LOTO, animée par GINETTE.
C'est ce crapuleux délit qui mit la ville en émoi. Dès le lendemain la presse parlait du scandaleux vol de l'unique manteau d'ALBERT, un unijambiste qui venait de perdre sa femme RAYMONDE, la redoutable patronne du Café du Commerce.
Le journal louait aussi le courage de GINETTE qui avait malgré la panique des joueurs, su mener son LOTO au bout et remettre leurs cadeaux aux champions.
Or l'enquête menée rondement par Amédée FOUILLARD, démontra qu'ALBERT, qui s'était lui-même dérangé pour assister aux obsèques de sa femme, portait bien la GABARDINE au cimetière.
A partir de ce moment là l'enquête piétina et la presse ne ménagea pas Amédée, malmené qu'il fut par d'incessantes critiques.
C'en fut trop. Même jouer des heures à l'Harmonica ne le calmait plus. Fouillard à force de côtoyer les rivages de l'immonde et par peur de dévisser, se mit à chercher un exutoire dans la pratique du sport. Et ce fut le Tennis !
Membre Fondateur du club de NOIREMINE, ses obligations sont grandes et les nombreuses réunions du Comité Directeur, souvent arrosées comme des troisièmes mi- temps, se terminent très tard et en chansons paillardes, avec l'Amédée à l'Harmonica.
TATYANA sa Biélorusse désosseuse d'abattoir de 1ère classe, n'aime pas trop ces absences et parfois même trouve au retour de ces nuits, que l'haleine d'Amédée est fort chargée...voire désagréable. Souvent endormie, elle ne connaît pas non plus l'heure à laquelle il rentre, bien qu'il prétende invariablement : "Il est juste... 1H 10' ma chérie".
Mais cette nuit-là il est 4H47', lorsque notre flic musicien, ouvre la porte avec une prudence fébrile.
Mais laissons Amédée FOUILLARD lui-même, vous raconter comment les choses se sont passées ce soir-là...
Je ferme la porte d'entrée qui couine et j'attaque la montée d'escalier. Un putain d'escalier, avec ses 17 marches puant la vieille cire, gémissant d'usure et qui me fait tousser deux fois, avant d'ouvrir la grinçante porte de l'appartement.
Je traverse le salon sans me cogner, je réprime en douceur un rot de moyenne intensité, je traverse le bureau et je vois la chambre conjugale entr'ouverte.
Mon exquise Tatyana dort d'un sommeil angélique, lovée... et légèrement découverte à hauteur du genou gauche.
Et là, je me souviens fort bien. C'est le moment où surgit "L'Idée fixe". Oui ce genre d'idée qui arrive dans un coin du cerveau, là où le bon sens est difficile à localiser.
Lorsque je vois le galbe raffiné, la blancheur suggestive et le grain parfait de cette jambe slave, faiblement éclairée par le rayon blafard d'une lune opaline, suspendue comme un gigantesque testicule, dans un ciel constellé d'étoiles... ALORS !!
Alors, je remercie le "Très Haut" de m'avoir permis de conserver intact mon cerveau reptilien, celui qui justement rappelle impérativement aux mammifères que nous sommes, les besoins vitaux :
- MANGER - BOIRE - DORMIR et, se REPRODUIRE !!
Hâtivement, je raccroche le Holster d'où dépasse la crosse de mon 357 magnum de service.
Les enfants sont chez les parents, ça tombe bien et mon pantalon aussi. Dès lors l'idée fixe s'accélère exponentiellement.
Trois mètres plus loin c'est la chemise et, plus loin et plus fébrilement encore tout le reste, sauf une chaussette que je ne quitte que pour la Saint Valentin.
En extase je frôle de ma main experte ce genou offert et je ne remarque pas que TATYANA à peine éveillée, me regarde de l'œil inexpressif d'une désosseuse professionnelle, examinant un quartier de viande.
- C'EST QUI ?... qu'elle démarre avec la rudesse de ces slaves victimes de l'émigration, juste après les affres de la seconde guerre mondiale.
- C'est moi mon amour que je murmure d'une voix déjà rauque...
- C'EST QUELLE HEURE ?... poursuit-elle en se retournant avec une petite fuite d'un bruit délicieusement incongru et laissant dans le même mouvement exposée en liberté, une moitié de fesse charnue et appétissante.
C'est 1H 10' que je précise à 4H38', titulaire d'une dose d'alcoolémie propice aux "idées fixes"
A ce stade du récit, il n'est pas inintéressant de rappeler ce qui dans le même segment de temps, se passe dans le reste du monde:
- A Colombey-les-deux-Eglises, De Gaulle vient d'achever ses "Mémoires de Guerre".
- A Guéret dans sa Creuse natale, Poulidor rêve d'un gilet jaune
- A Frankfort, de retour chez lui, Cohn Bendit vient de fêter ses 24 ans
- A Noiremine, dans la salle de bain, Ginette compte fiévreusement ses bénéfices du Loto.
- A Hazebrouck dans le Nord, il fait 14° avec un vent faible.
* * * * * * * * * *
Je tente alors le tout pour le tout, en engageant ma jambe droite et froide dans le lit tiède.
Tatyana soliloque immédiatement quelques mots dans un sabir franco/Stalinéen qui échappent à l'Officier de Police imprudent que je suis.
Car je n'ai pas compris que ses paroles étaient en réalité une mise en garde, mais encouragé par "l'idée fixe", j'engage alors le reste de mon corps dans le lit douillet et convoité.
ERREUR TOTALE ! Le combat fut immédiat, sans concession, d'une violence inouïe !
Epilogue du drame :
Bouté hors du lit conjugal Amédée FOUILLARD se relève avec la dignité, dont seuls les hommes savent faire preuve dans ces situations là.
Sans chemise, sans pantalon, il se dirige vers la cuisine, la tête entre les épaules et "l'Idée fixe" désespérément mobile entre les jambes.
Sur le carrelage glacé, pieds nus devant le réfrigérateur de marque "BRANDT" la fierté du ménage, il termine un yaourt périmé et, avec le délicieux accent des courageux ressortissants de la Moselle/Est, on peut l'entendre dire !
Un jour... oui un jour… je l'aurai, je l'ôôrai !
Pour conclure ce dossier, soyons objectifs.
La vie d'Amédée FOUILLARD n'était pas une sinécure avec GINETTE au loto, TATYANA au lit et une affaire de "GABARDINE" jamais résolue.
Mais le temps passa, l'heure de la retraite d'Amédée avait sonné depuis longtemps, lorsque GINETTE fut mise en terre quelques années plus tard.
Au cimetière le temps était maussade ce samedi 27 Avril 1969.
C'est à la demande d'ALPHONSE le mari de la défunte, qu'Amédée joua l"Ave Maria" de Schubert sur son Harmonica chromatique, histoire de mettre l'ambiance à la descente du cercueil.
Tout le gratin du Loto était là, même le beau- frère du Maire, avec son uniforme de pompier et des espadrilles neuves.
Et subitement, il se mit à pleuvoir très fort au cimetière de Noiremine et, l'ancien flic avait oublié son parapluie.
Tiens prends le mien, que lui fait l'ALPHONSE avec un clin d'œil de jeune veuf en liberté.
La GABARDINE que j'ai sur le dos, c'est une sacrée qualité, ça laisse rien passer.
Je l'ai trouvée ce matin dans les affaires de… GINETTE.
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