NOSTALGIA, le Blog qui fait oublier les tracas

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Clément Keller : Schoeneck beau coin (12)

Vive les vacances !

Ma première année d’école primaire allait se terminer et mon instituteur, Monsieur Félix Thil, avait décidé d'alléger, pour notre plus grand bonheur, le programme scolaire du cours préparatoire et du cours élémentaire 1 et 2.

Désireux de nous faire profiter des premières belles journées de cette fin du mois de juin 1955 il nous emmenait régulièrement faire de longues promenades durant lesquelles il partageait avec nous sa passion de la nature.

A l’époque, l’école, située en haut du village, n’était pas très éloignée d’un endroit que les anciens connaissent bien et qui s’appelle le ‘Gersweiler Graben’, un large fossé situé près des champs de blé proche de la frontière franco-allemande.

Lorsque nous longions ces champs, il y faisait un arrêt et nous avions droit à une première Leçon de choses, le nom de cette discipline scolaire que nous appelons aujourd’hui pompeusement  Sciences de la vie et de la terre.

Monsieur Thil nous expliquait alors avec beaucoup de pédagogie que le blé atteint sa maturité fin juillet et que, lorsque la tige était sèche et que l'épi se courbe vers le bas, c'était le moment de la moisson. Ensuite, il détachait un de ces épis, l’égrenait dans le creux de sa main pour nous montrer les grains, puis nous donnait de longues et détaillées explications sur la fabrication de la farine, le métier des meuniers, le rôle de la boulangerie et terminait son exposé sous forme de morale en nous rappelant le respect que nous devions porter à la nourriture…  

Ces leçons de vie en pleine nature m’ont laissé des souvenirs inoubliables et, encore aujourd’hui, lorsque je longe un champ de blé lors d’une promenade, je ne peux m’empêcher de revoir le visage de mon instituteur et d’avoir une pensée émue pour celui qui m’a ouvert l’esprit à la connaissance et au savoir…

Les semaines et les promenades se succédaient puis ce fût le début tant attendu des grandes vacances…

Durant les derniers jours de classe, dans la cour de l’école pendant la récréation, les plus grands chantaient à tue-tête :

Vive les vacances, plus de pénitences, les cahiers au feu… Et le maître au milieu…

L’image terrible d’un bûcher et de mon instituteur, pieds et poings liés en train de se tordre de douleur sous les flammes qui le consumaient me faisait frissonner de peur mais les copains un peu plus âgés avaient vite fait de m’expliquer que tout cela relevait d’une tradition écolière visant simplement à manifester sa joie de ne plus aller à l’école jusqu'à la rentrée suivante.

Les semaines de mes premières ‘grandes’ vacances se déroulaient paisiblement et les jours se suivaient et se ressemblaient. Lorsque le temps le permettait, nous allions faire des promenades en forêt avec maman, grand-mère et ma sœur cadette Anne-Marie.

Avec maman nous allions également nous promener à travers les ruelles bordées de baraques de la Ferme (1) et nous nous arrêtions chaque fois chez le laitier Milich Matz où maman nous offrait une de ces succulentes Madeleines posées dans un panier en osier sur le comptoir du minuscule magasin.

Parfois c’était Adolphe, mon grand-père maternel, qui nous prenait par la main et nous emmenait en compagnie de son épouse Rose, ma marraine, promener au bord de l’eau près des 3 étangs ou cueillir des fraises sauvages et parfumées que nous dégustions sur place avec gourmandise…

Ces longues promenades en forêt m’ont laissé d’inoubliables souvenirs de calme et de quiétude. Il pleuvait de la lumière dans l’ombre des sous-bois et des oiseaux qu’on ne voyait pas y lançaient leurs notes claires…

C’était cela, la douce chanson des bois de mon enfance..

 

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Bien des années plus tard, en lisant « Les contemplations » de Victor Hugo, les phrases du grand écrivain ravivaient ces souvenirs et les images de ces instants magiques me revenaient aussitôt à l’esprit :

 

Arbres de la forêt, vous connaissez mon âme,
Au gré des envieux, la foule loue et blâme
Vous me connaissez, vous, vous m’avez vu souvent,
Seul dans vos profondeurs, regardant et rêvant.
Vous le savez, la pierre où court un scarabée,
Une humble goutte d’eau de fleur en fleur tombée,

Un nuage, un oiseau, m’occupent tout un jour…

 

Puis, au retour de ces promenades, le quotidien reprenait vite le dessus...

Pendant ces premières vacances j'étais de nouveau à la maison toute la journée et je partageais ces instants en famille comme un an plus tôt, lorsque je n'allais pas encore à l'école.

C'était aussi le temps des démarcheurs à domicile, de ceux qui frappaient à la porte, attendant qu'elle s'entrebâille pour ne plus vous lâcher en vous entraînant dans un boniment incompressible qui pouvait parfois durer longtemps. 

Je me souviens par exemple du passage d'un marchand de "Sapin des Vosges" à qui maman achetait de petits sachets pleins de bonbons durs en forme de bourgeons.

Ces bonbons qui étaient réputés pour calmer la toux avaient un délicieux goût mentholé et une douce odeur de résine. On accueillait avec plaisir ce vendeur là et maman faisait ainsi provision d'air pur pour l'hiver. 

J'ai également le souvenir d'un vendeur d'aspirateurs qui avait réussi un matin à s'introduire dans notre cuisine. Ma mère ne savait plus comment s'en débarrasser, il débitait des arguments à n'en plus finir et finalement, avec l'accord de papa nous sommes devenus les heureux propriétaires d'un aspirateur-balai de marque Balex remplissant également les fonctions de casque sèche-cheveux et de pistolet à peinture. C'est certainement ce dernier argument qui a fait craquer papa qui se voyait déjà définitivement débarrassé des pinceaux et des rouleaux à peinture qu'il fallait longuement nettoyer après chaque utilisation...

Mais la réalité était tout autre et, mis à part une peinture à l'eau très diluée qui ne couvrait rien, l'appareil refusait obstinément de pulvériser quoi que ce soit... 

Les achats en ligne et Internet n'existaient pas encore, mais la publicité dans les journaux et le bagou des vendeurs faisant du porte à porte suffisaient la plupart du temps pour convaincre les acheteurs potentiels ! 

 

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En ce temps-là, l’argent de poche n’existait pas et c’est grand-mère qui me donnait de temps en temps une pièce que j’avais vite fait de dépenser à la petite épicerie Coop située au bout de la rue, ou au bureau de tabac du village, une boutique si étroite que trois clients l'emplissaient…

Sur un comptoir, bien trop haut pour nous, étaient alignés de grands bocaux remplis de bonbons variés et colorés.

On achetait des caramels à 1 franc (l'ancien franc valait 1 centime), et les jours fastes, un Carambar à 5 francs ou un Chewing-Gum, lequel, s’il se révélait gagnant, donnait droit à un deuxième gratuit. On y trouvait aussi des pochettes surprises en forme de cornets brillants et colorés dans lesquelles se dissimulait sous de grosses boules de papier chiffonné, un insignifiant jouet de pacotille lequel, à défaut d’avoir de la valeur, nous remplissait de fierté parce qu’on l’avait gagné… 

Derrière le comptoir s'alignaient des étagères garnies de paquets de cigarettes, de tabac, de boîtes d’allumettes et de quelques accessoires pour fumeurs.

Sur la gauche, en entrant dans le magasin il y avait également un tourniquet chargé d’illustrés et de quelques journaux. Je le faisais tourner doucement pour découvrir un à un les titres des nouveaux bouquins : Kiwi, Rodéo, Pepito, Pim Pam Poum et autres BD dont je commençais à faire une consommation effrénée…(2)

La vie sociale et commerciale dans le village connaissait en ces années après-guerre un essor sans précédent et de nombreux commerces et bistrots étaient à la disposition des habitants du village…

Les bistrots étaient au nombre de huit.

Il y avait le café des sports Koenig, la Valuta du côté allemand, un autre bistrot dont j'ai oublié le nom situé à côté de la boucherie Kleiss, le café Greiner avec sa grande salle de danse, l’Auberge lorraine, le Tigre, le restaurant couscous Abdallah et, à la Ferme, l’épicerie-buvette du père Muller.

Quant aux magasins, on en dénombrait pas moins de 18 !

Il y avait le tabac tenu par la naine Lénsche du côté allemand, la laiterie Ida, la boucherie Kleiss, le magasin COOP tenu par la famille Wachs, le bureau de tabac "Touvak Spatz", l’épicerie "Adolé" géré par la famille Rennolet, la boulangrie-épicerie "EDEKA" tenue par le boulanger Auguste Bastian, le magasin SPAR du "Knoutcha", une mercerie, un SANAL renu par Madame Notteghem, l’épicerie Dewes en face de l’église, la boucherie Wagner, le coiffeur Wachs Gilbert, une quincaillerie "Gräling Max" une épîcerie "Les Ecco", et, à la cité de baraques de la Ferme, une "SAMER", le laitier "Milich Matz" tenu par M. Reuland et l’épicerie-bistrot du père Muller

A suivre…

 

(1) Plus d'infos sur la cité de baraques de la Ferme de Schoeneck ICI

(2) Plus d'infos sur les BD des années 50-60 ICI

 

Tous les récits de la série "Schoeneck, le beau coin" :

(1) Présentation

(2) 5 Fruits & légumes

(3) Alléluia ! Il marche et il parle...

(4) Je vais ’recevoir’ une petite sœur

(5) A la découverte du monde

(6) Opa Adolphe - Mon premier vélo

(7) Être ou ne pas être... 

(8) Bientôt la rentrée ! 

(9) Premier jour de classe

(10) Independence day

(11) La pâte à modeler

(12) Vive les vacances !

(13) Billes, Roudoudous et Carambars

 

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La Ferme de Schoeneck années 50-60

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12/09/2020
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