NOSTALGIA, le Blog qui fait oublier les tracas

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Oncle Joe raconte : ma bonne vieille Ferme de Schoeneck

J’avais 10 ans début 1948 lorsque nous sommes arrivés à la Ferme de Schoeneck en provenance d’un camp de réfugiés allemands et nous avons quitté cette cité 10 ans plus tard, en automne 1958.

Nous vivions dans ces baraquements provisoires érigés par les Houillères du bassin de Lorraine  destinés à loger les familles des nombreux mineurs de charbon venus de divers pays de l'Est et qui avaient été, comme nous, déplacés depuis les camps en Allemagne suite aux tragiques évènements de la seconde guerre mondiale.

 

* * * * * * * * * * *

L’endroit.

La cité de la Ferme de Schoeneck était entourée de forêts. Il y avait la forêt française et il y avait la forêt allemande, ou plutôt sarroise.

La forêt allemande était plus propice à nos jeux que la forêt française car dans cette dernière se trouvaient encore de nombreux vestiges des guerres passées : des tranchées, des munitions rouillées mais toujours dangereuses ainsi que du fil de fer barbelé caché par la végétation. Ces forêts étaient nos terrains de jeux et nous y passions le plus de temps possible.

La plupart des familles étaient arrivées presqu'en même temps à la Ferme de Schoeneck et se faire des amis était de ce fait très facile. La cité était une véritable tour de Babel dans laquelle se côtoyaient des personnes de nationalités et de cultures des plus diverses.

Apprendre le français était difficile car la grande majorité des autochtones parlait un Patois franco/allemand dans lequel les mots se mélangeaient facilement.

Je dois reconnaître que j’ai eu plus de facilités que d'autres pour communiquer avec eux car je parlais déjà l'allemand et, petit à petit, j'apprenais les bases de la langue française que j'allais, petit à petit, perfectionner en fréquentant l'école de la cité...

 

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Le quotidien.

Lors de notre arrivée à la Ferme de Schoeneck, il n’y avait pas beaucoup de magasins sur place. Le fermier Muller tenait une petite épicerie, M. Schneider vendait quelques produits de première nécessité ainsi que de la bière et du vin et le laitier Matz proposait ses produits laitiers et faisait dépôt de pain.

Quelques mois plus tard, arrivèrent les premiers marchands ambulants avec leurs camionnettes dont certains passaient même 2 fois par semaine dans les ruelles de la cité. 

En 1950, les Houillères ont installé une S.A.M.E.R. dans un des baraquements et une voisine, Madame Lay, vendait de la bière et du vin dans son cagibi. Un autre habitant avait également transformé son cagibi pour y vendre de la glace en été.

Si mes souvenirs  sont exacts, il ne proposait à ses clients que deux parfums : vanille et chocolat !

La plupart des achats hebdomadaires se faisaient dans les magasins du village ou bien dans les villes proches comme Forbach ou Stiring-Wendel.

On pouvait se rendre à Forbach grâce à la ligne de bus Federspiel qui faisait la navette trois fois par jour sauf les dimanches et les jours fériés. De ce fait, nous nous déplacions souvent à pied ou en vélo, et plus tard, en scooter ou en mobylette. Quelques années plus tard, 4 ou 5 automobiles ont également fait leur apparition dans les ruelles de la cité…

La vie à la Ferme de Schoeneck était plus ou moins la même chaque jour.

Pour nous les enfants de 8 à 11 ans, c'était école tous les jours sauf les jeudis, les dimanches et les jours fériés. Les chefs de familles travaillaient dans les différents puits de mine de la région, possédaient tous un jardin et la plupart d'entre eux  élevaient des poules et des lapins pour améliorer l'ordinaire.

Certains passaient beaucoup de temps sous les marronniers de la buvette-bistro du père Muller et ces agapes se terminaient parfois par des bagarres lorsqu'ils avaient bu quelques bières de trop. Le moment de détente principal des chefs de famille consistait également à faire des bébés à leurs épouses, pour preuve, le taux de natalité relativement élevé dans les familles à l'époque !

 

 

Les jeux d'enfants.

Les terrains de jeux favoris pour beaucoup d'enfants étaient les forêts alentours mais il y avait également une petite zone légèrement à l'écart couverte de sable rouge que nous appelions la Mare et dans laquelle la plupart des enfants passaient leurs moments de liberté en jouant à divers jeux.

On y jouait aux billes, à la marelle, on y construisait des châteaux de sable et on y jouait aux cartes parfois même en misant quelques francs. Nous avons inventé (je crois ?) un célèbre Tour de France qui se jouait avec des capsules de bouteilles qu’on déplaçait sur une carte du tour dont nous tracions les étapes sur le sol.

Ce point de rencontre était agréable pour beaucoup d'entre nous et je me souviens même d’un petit cirque qui y avait installé son chapiteau et présenté 2 fois son spectacle.

Pendant les mois d'été, nous partions souvent aux Trois Etangs du côté allemand pour nager et nous exercer à la pêche, ou, pendant les mois d'hiver lorsque les étangs étaient gelés, pour s'y adonner au patinage sur glace. Toutefois, en ce qui me concerne, j’étais bien trop froussard et en plus, je ne possédais pas de patins à glace !

Les plaisirs de l’hiver étaient amusants pour tous. Les enfants faisaient du traîneau le jour et beaucoup d’adultes jusque tard le soir. Nous, les enfants, étions souvent de corvée et remontions les traîneaux depuis le bas de la colline dans l’espoir de pouvoir faire une descente avec un gamin plus grand ou un adulte. Il faisait souvent très froid et je me souviens être rentré un soir à la maison avec un nez qui coulait et les jambes de mon pantalon gelées jusqu'à l'aine…  

Mais ce plaisir hivernal était de courte durée car les H.B.L. venaient régulièrement déverser des cendres sur la rue enneigée et c’en était fini des glissades que nous appelions Hanky Panky.

Que voulez-vous, même les plus belles choses ont, hélas, une fin…

L’adolescence.

En grandissant, nos passe-temps et nos besoins ont également changé.

Nous fréquentions assidûment les cinémas de Stiring-Wendel, Forbach et Gersweiler ainsi que la salle de bal locale (Chez Greiner) et celles des villages environnants dans lesquelles nous espérions toujours trouver quelques jeunes filles avec lesquelles nous aurions la chance de danser et de sortir. A mon grand regret je dois dire que lorsque ces demoiselles découvraient que nous venions de cette cité de baraques, bien souvent elles nous envoyaient poliment sur les roses…

Bien qu’au fil du temps ces attitudes ont changé, la plupart des jeunes filles ne voyaient pas l’intérêt de sortir avec les pauvres mineurs de charbon que nous étions et, si cette période ne fut pas facile, nous avons tout de même réussis à la surmonter !

Le sport.

A l’époque, le nombre d’habitants à la Ferme de Schoeneck était d’environ 650 personnes dont beaucoup de jeunes, mais la cité n’avait pas de club de Football.

Par contre, il existait une équipe au village et nous jouions avec eux de temps en temps mais de façon trop aléatoire, aussi avons-nous créé notre propre équipe de Football et de Volleyball. Nous faisions également beaucoup de vélo et organisions notre Grand Prix et notre Tour de France qui se déroulait autour de la cité et des environs proches. Un peu plus loin que la Ferme, en direction de Forbach, il y avait une autre cité de baraques un peu plus petite qui s'appelait la Halte Schoeneck.

A cet endroit vivaient beaucoup d’italiens qui avaient créé leur propre équipe et qui disputaient régulièrement des matchs sur le terrain du village.  

Quelques-uns des gars de la Ferme ainsi que quelques joueurs du village les ont rejoints par la suite. D’autres jeunes de la Ferme sont également partis jouer dans l’équipe de Stiring-Wendel et moi-même, j’ai rejoint l'U.S. Forbach dans laquelle j'ai joué pendant environ 10 ans !

 

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 Joe devant sa baraque vers 1958               La famille Calamia qui a également vécu à la Ferme de Schoeneck

 

Oui pour moi, ces 10 ans à la Ferme de Schoeneck ont ​​été une période de ma vie agréable et insouciante dans un véritable petit paradis... Nous vivions dans une communauté minière et ceux qui descendaient au quotidien au fond de ces puits de mine ne savaient pas toujours s’ils rentreraient sains et saufs.

Le danger était quotidien et les familles vivaient toujours dans la hantise d’un accident ou d’une catastrophe… Malgré la modernisation et la mécanisation, le danger restait permanent et la vie s’écoulait ainsi avec ses joies et ses peines.  

C'était cela le quotidien dans notre bonne vieille Ferme de Schoeneck.

Aujourd’hui cet endroit n’existe plus tel que nous l'avons connu. La Ferme de Schoeneck est devenue un beau lotissement avec plein de jolies maisons et de nouveaux habitants qui y coulent également des jours heureux.

Mais pour moi qui y ai vécu les plus belles années de ma jeune vie, il me reste plein de bons et de beaux souvenirs de notre vie dans ces baraques. A suivre... 

 

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24/03/2021
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