NOSTALGIA, le Blog qui fait oublier les tracas

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Oncle Joe raconte : Les chemins de ma vie (3)

Le Papa de notre ami Joe Surowiecki a été réquisitionné par les allemands dès leur entrée en Ukraine en 1941 pour être envoyé dans un camp de travail en Allemagne.

Environ 3 mois plus tard ce fût au tour de sa maman de partir pour un autre camp mais heureusement, 10 mois plus tard, ils furent réunis grâce à l’intervention du maire de Bad Grund chargé de superviser le camp situé dans son village.

Le père de famille eût ainsi la permission de retourner en Ukraine pour ramener ses enfants en Allemagne afin de pouvoir réunir à nouveau toute la famille.

Lors d'une fête de famille organisée dans le camp, ils font la connaissance des frères Ivan et Basil des "compatriotes" plutôt séducteurs qui travaillent dans une ferme d'élevage de poulets des environs et avec lesquels les familles du camp sympathisent rapidement... 

Pour lire la première partie de ce récit CLIQUEZ ICI

 

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Eh oui, Yvan et Basil étaient les bienvenus…

Ivan est venu jouer aux cartes le dimanche suivant, boire quelques verres et discuter avec les dames, en particulier avec Anna et Luba...

Puis il est revenu deux fois la semaine suivante, et une nouvelle fois au milieu de la semaine quand tous les hommes étaient au travail...

Il a rendu visite à pratiquement tout le monde, mais a passé le plus clair de son temps avec Anna et Luba et je me souviens que Carol a dit à maman :

Je ne comprends pas comment un ouvrier réquisitionné pour travailler à l’élevage de poulets peut avoir autant de temps libre ?

Eh bien, personne n’avait la réponse à cette question mais ce qui était sûr c’est qu’Ivan continuait à roder autour des baraques du camp semaine après semaine…

Il venait de plus en plus souvent nous rendre visite mais nous, les enfants, n’y prêtions pas trop attention. Lors d’une de ses visites, Peter et moi étions en train de nous amuser au bord de la rivière quand nos amis Marcus et Walter sont venus nous demander si nous voulions participer à une course de bateaux.

Pourquoi pas, nous sommes toujours prêts pour une nouvelle défaite !

Walter a répondu en souriant :

Qui sait, c'est peut-être aujourd'hui que l'un de vous va gagner !

Peter et moi avons répondu :

Ce serait un miracle ! On n’a aucune chance de gagner…

L'eau du ruisseau se déplaçait très lentement. La distance à parcourir était d'environ 100 mètres et Marcus mit son embarcation à l'eau en criant :

Hé les gars… vous y êtes ? Prêts pour longue course ?

Nous étions prêts à relever le défi bien que nos chances de gagner face à leur Team  bien entraîné étaient minces... Mais l'important n'était-il pas de participer ?

 

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Nous descendîmes lentement le ruisseau. Peter était en tête d'environ 5 mètres suivi par Marcus et Walter. Mon bateau se trouvait à quelques mètres derrière eux lorsque Peter s’est soudain rapproché du rivage et nous a fait signe de nous arrêter et de le rejoindre...

Il pointait son doigt vers un gros pommier à proximité de la berge :

Regardez... Regardez... Il y a deux personnes sous l'arbre !

En effet, il y avait deux personnes qui semblaient bouger l'une sur l'autre et qui se disaient des "choses" que la distance nous empêchait de comprendre...

Apparemment il s’agissait d’un homme et d’une femme... L’homme avait des cheveux foncés mais de là où nous nous trouvions, et, du fait de leur "position", nous avions du mal à distinguer clairement les traits de la femme...

Nous sommes restés là quelques minutes à les regarder et, à un moment donné, Walter a murmuré :

Partons d'ici avant qu'ils ne nous voient, on ne sait jamais ce qui pourrait arriver...!

Nous étions à environ une cinquantaine de mètres du grand pommier lorsque Walter s'est soudain tourné vers Peter et moi en chuchotant :

Je sais qui sont ces deux personnes et ce qu'elles font ! C'est Ivan et Frau Luba et ils sont en train de faire « Fic-Fic » !

Marcus plissa les yeux et regarda une nouvelle fois la scène qui se déroulait sous le pommier... Après quelques secondes d'observation attentive il se tourna vers nous et confirma :

T'as raison Walter ! C'est bien notre Frau Luba et Ivan qui sont en train de faire « Fic-Fic » !

Peter m'a regardé en souriant et je lui ai naïvement demandé de m’expliquer ce que signifiait cette expression qui m’était totalement inconnue…

Il est vrai que Walter et Marcus avaient quelques années de plus que Peter et moi et ils n’hésitèrent pas ce jour-là à nous délivrer avec force détails et un plaisir évident notre première leçon sur le sexe…

Le message était reçu cinq sur cinq et le terme « Fic-Fic » revint pendant quelques jours régulièrement dans nos conversations…!

Bien plus tard d'ailleurs, lors de notre arrivée dans les baraques de la Ferme de Schoeneck, cette expression a de nouveau refait surface car notre ami Helmut en usait et en abusait lorsqu'il nous racontait certaines anecdotes plus ou moins vécues ou tout simplement inventées !

 

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Mais le quotidien dans le camp de Bad Grund n'était pas fait que d'anecdotes prêtant à sourire. Il était malheureusement également parsemé de drames dont certains ont profondément marqué mes jeunes années de déraciné...

Je me souviens comme si c'était hier de la mort de notre petite sœur Olga...

Papa était au travail et notre voisine Carole Papuha était assise à table en train de déjeuner en notre compagnie lorsque notre petite sœur Olga, qui dormait dans la chambre de maman, s'est soudain mise à pleurer...

Maman m'a demandé d'aller voir si elle était mouillée, et de lui donner sa tétine.

Olga pleurait de plus belle et donnait de violents coups de pied... J'ai remis sa tétine dans la bouche et j’ai remonté la petite couverture sur elle. Comme elle semblait apparemment calmée, je quittais la chambre sans faire de bruit et rejoignit la famille toujours attablée. 

Une fois le déjeuner terminé, Carole et sœur Irène ont débarrassé la table et maman a dit :

Je vais quand-même aller voir ce que fait mon petit ange…

Elle est entrée dans la pièce et, quelques secondes plus tard, en est ressortie en pleurs portant Olga inanimée dans ses bras...

Mon petit ange est mort... Mon petit ange est mort... !

A ce moment-là, maman s’est évanouie et elle est tombé à terre avec le bébé dans ses bras… Carole s'est précipitée pour ramasser le bébé et ma soeur Irène a essayé d'aider maman qui restait inconsciente...

Carolz a rapidement posé le bébé à terre puis s'en est allé chercher de l'eau pour asperger le visage de maman afin de la ranimer. Quelques instants plus tard, Maman a rouvert les yeux et a demandé à Carole :

Mon ange est-il mort ? " Carole a simplement hoché la tête :

- Oui, elle est morte...

Nous nous sommes tous assis par terre… Maman tenait Olga contre elle comme on tiendrait une poupée et nous sommes tous restés à ses côtés à pleurer...

Papa est rentré du travail environ une heure plus tard et, quand il nous a vus assis par terre en train de pleurer, il a rapidement compris la situation et s'est également assis à nos côtés le visage en larmes.

Le lendemain, un médecin militaire allemand est venu à la maison, a examiné le corps de notre petite Olga pendant quelques minutes puis s'est tourné vers maman et lui a donné deux feuilles de papier à signer. Il mit une des feuilles dans sa valise a donné l’autre à maman en disant :

Dieses Kind is Tot (cet enfant est mort)… puis il est sorti.

Ce soir-là, Larry Papuha, un voisin qui était charpentier est venu à la maison et a dit à papa :

Nous devons lui faire un cercueil…

Il a fallu environ 3 heures à Larry et à Papa pour fabriquer ce petit cercueil en bois. Carole l'a ensuite peint en blanc et, plus tard dans la nuit, a écrit sur le dessus du cercueil « Olga, notre ange bien-aimé ».

Les funérailles ont eu lieu le jour suivant et tous les résidents des baraquements y ont participé... Sœur Olga a été enterrée au cimetière de Bad Grund au niveau cinq, à environ 20 mètres à gauche des escaliers et à deux pieds d'un conifère...

Tant que nous vivions au camp, nous allions régulièrement sur la tombe pour y déposer des fleurs sauvages... Plus tard, lorsque nous avions déménagé à « Zum Iberg », Irène et moi y sommes retourné pour nous recueillir sur la tombe mais la croix marquant l'emplacement de cette dernière avait disparu et c'est grâce au conifère que nous avons retrouvé l'emplacement où reposait notre petite Olga !

En 1990, pendant nos vacances en France, nous sommes allés visiter Bad Grund ainsi que les différents endroits où nous avons vécu pendant et après la guerre.

Je me suis également rendu au cimetière en compagnie de ma femme Aggie et de ma sœur Marcy. 

Le niveau cinq du cimetière était entièrement rempli de pierres tombales et l’arbre avait, hélas, disparu. Nous ne saurons donc jamais où reposent les restes de notre petite sœur Olga car ils ont probablement été déplacés et enterrés ailleurs…

 

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Une autre anecdote avec Ivan me revient à l’esprit… D’une certaine façon cette mésaventure était drôle mais aurait pu tourner au drame pour ce dernier…

Madame Pitka aimait jouer aux cartes, surtout avec des hommes, car elle mettait un point d’honneur à dire à ses amies qu’une femme était capable de tenir tête aux hommes et qu’il n’y avait pas de raison qu’elle joue plus mal qu’eux…

Elle n’hésitait d’ailleurs jamais à taquiner ses partenaires de jeu en faisant des remarques désobligeantes que les hommes présents encaissaient sans trop de mal car, lorsqu’ils jouaient en sa présence, elle avait pris l’habitude de rendre ces parties de cartes plus « conviviales » grâce à une grande bouteille de « Vodka maison » généreusement offerte et posée sur la table…

Ce jour-là, Ivan était venu, une fois de plus, nous rendre visite pour assister à la partie mais surtout pour profiter de la compagnie de la gente féminine qu’il affectionnait tout particulièrement et boire quelques verres de ce breuvage artisanal hautement alcoolisé...

Après quelques parties, Madame Pitka demanda à Ivan de prendre sa place à table car elle avait décidé de quitter le jeu. Mais, au moment de se lever de sa chaise, elle se saisit de la bouteille de Vodka et dit :

Ecoutez les garçons, j’emporte la bouteille de Vodka car je pense que vous avez assez bu pour aujourd'hui...

Ivan qui avait entre-temps pris sa place lui demanda un autre verre qu’elle lui servit en lui faisant remarquer qu’il y avait droit car il venait seulement d’arriver mais qu’il n’y en aurait pas d’autres…

Après lui avoir servi un verre, elle prit la bouteille et se dirigea vers sa baraque dont elle ressortit quelques minutes plus tard, les mains vides, un large sourire aux lèvres pour retrouver ses amies et se joindre à nouveau à leurs conversations…

Mais Ivan était de nature obstinée et, tout au long de la partie de cartes, n’arrêtait pas de quémander un autre verre.

Au bout d’un moment, Madame Pitka, excédée, lâcha prise et lui dit :

D’accord Ivan, alors va chez moi et, si tu trouves la bouteille, t’auras gagné le droit de boire autant que tu veux !

Elle n’eût pas besoin de la dire deux fois. Ivan fila comme un lapin en direction de la baraque et en ressortit quelques minutes plus tard brandissant, tel un trophée, une bouteille et un verre rempli à ras bord …

Je l’ai, je l’ai trouvée ! Cria-t-il victorieusement à l’attention du groupe…

 

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Madame Pitka hocha simplement la tête et se contenta de commenter la scène en disant que ce diable d’homme aurait fait n’importe quoi pour continuer à picoler…

Quelques instants plus tard, un hurlement déchira l’air et les invités tournèrent tous la tête en direction d’Ivan qui venait de tomber de tout son long à terre lâchant la bouteille et le verre qu’il venait de vider d’un seul trait…

La plupart des invités se précipitèrent pour voir ce qui était arrivé à Ivan.

Ce dernier gisait à terre avec une grosse bosse à la tête et continuait à hurler de plus belle…

Madame Pitka s’approcha de lui et se pencha pour ramasser la bouteille.

Oui, il a trouvé la bouteille, mais pas celle avec la Vodka, ce crétin vient de boire un grand verre d’eau de Javel !

Anna et Luba se mirent à crier que ce pauvre homme avait besoin d'aide et le vieux Sokoliwski suggéra que le seul remède permettant de calmer les brûlures consistait à lui faire boire de l'eau chaude très salée ou du bouillon et qu’il fallait avant tout lui laver le visage et les yeux à l’eau froide…

Aussitôt dit aussitôt fait, et il ne fallut pas longtemps aux filles pour s’occuper de lui. Luba lui lava le visage pendant qu’Anna lui versait du bouillon dans la bouche…

Ivan se mit à crier de plus belle car en plus de la douleur due à l’eau de Javel, l'eau et la soupe utilisées par les « soignantes occasionnelles » étaient encore brûlants !

Ivan, toujours à terre, gesticulait et essaya plusieurs fois sans succès de se relever…

Finalement, ce n’est qu’au bout d’une dizaine de minutes qu’il se calma tout en continuant à se plaindre de vives douleurs et de brûlures dans la bouche et dans l’estomac...

Mais un premier cap était apparemment franchi et Ivan donnait l’impression qu’il allait finalement se sortir sans trop de mal de cette mauvaise passe…

Madame Pitka et le vieux Sokoliwski tombèrent d’accord pour dire que pendant les prochaines heures la victime aurait encore besoin de beaucoup d'attention et de soins et qu’il fallait continuer à lui faire boire de l’eau salée et du bouillon en le maintenant impérativement à l'air frais…

On trouva un vieux lit pliant qui fût aussitôt installé devant la baraque et dans lequel, on allongea le « malade » qu’on recouvrit soigneusement avec plusieurs couvertures. Ivan fût surveillé comme un bébé jusqu’au lendemain matin par Luba et Anna qui avaient spontanément proposé leurs services de Baby-Sitters.

Le lendemain matin, la « victime » ressentait encore quelques douleurs mais son état général s’était nettement amélioré. Il semblait tiré d’affaire et disait à qui voulait bien l’entendre qu’il se sentait de nouveau bien, qu’il avait eu très mal mais que grâce à ses deux merveilleuses Baby-Sitters il s’était rapidement rétabli…

Toujours est-il que nous ne l’avons plus revu après cet événement car nous avons été relogés dans d’autres Baraques, la moitié d'entre nous à « Zum Iberg » et l'autre moitié à « Goslar ».

En ce qui me concerne, connaissant l’intérêt porté par Ivan aux jeunes femmes, je pense, sans toutefois en avoir les preuves, que ce jour-là, il n’a pas bénéficié que de « Baby Sitting » de la part de Luba et d’Anna...! A suivre...

 

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22/08/2022

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