NOSTALGIA, le Blog qui fait oublier les tracas

NOSTALGIA, le Blog qui fait oublier les tracas

Oncle Joe raconte : Souvenirs, souvenirs...

(1) Notre petite exploitation fermière

Partis des camps de réfugiés allemands à la mi-janvier 1948, nous avons tout d’abord effectué un séjour de quelques jours à la Caserne Guise à Forbach. Après-guerre, il y avait deux endroits où les familles réfugiées étaient assignées, c’était au Bruch ou à la Ferme de Schoeneck.

Après les quelques jours passés à la caserne Guise, on nous a assigné une nouvelle résidence dans une baraque située à la Ferme de Schoeneck. A cette date, les H.B.L. étaient sur le point d'achever cette cité de baraquements et beaucoup d’entre eux étaient déjà occupées... Celle qui nous a été assignée, devait être achevée depuis un certain temps, car elle était déjà en partie occupée par le laitier Max Reuland qui faisait également dépôt de pain...

Cette baraque était située à peu près au centre de la cité sur la rue principale, qui s’appellera plus tard Rue de la Ferme. L’adresse de notre nouveau point de chute à la Ferme était le 65B complété d’une pièce supplémentaire faisant partie de la section 65A. Elle était située à l’angle de la rue en face d’une pompe à eau potable rouge. Autour de ce baraquement il y avait beaucoup d’espace libre que nous allions par la suite transformer en jardin.

Au milieu de l'année 1949, la plupart de ces baraques étaient entièrement ou partiellement occupées.

Si mes souvenirs sont exacts, je crois que la Ferme de Schoeneck comptait 135 baraquements dont chacun était occupé par deux familles. 

Il y avait même quelques familles nombreuses qui occupaient une baraque entière. Chaque logement était composé d’une cuisine, de 3 chambres à coucher et d’une dépendance intérieure dédiée au stockage qu’on appelait le « cagibi ». Il y avait également un sous-sol en terre battue servant de cave auquel on pouvait accéder par une trappe découpée dans le plancher de la cuisine.

Les logements avaient l'électricité, mais pas encore d'eau courante durant les premières années. Pour accéder à de l’eau potable il y avait plusieurs pompes situées à l’extérieur dans différents endroits de la cité. L’eau courante sur l’évier ne fût installée que vers 1951 en même temps que les plaques de noms des rues.

Lors de notre arrivée, il y avait 3 petits commerces dans la cité. Notre colocataire Max vendait des produits laitiers, (fromage, lait, crème) ainsi que du pain et quelques viennoiseries. Juste en face de Max, il y avait Monsieur Schneider qui tenait une petite épicerie et, tout en haut de la cité, le fermier Muller qui vendait divers produits d'usage courant pour les ménagères ainsi que de la bière et du vin. Le commerce du fermier Muller était une véritable mine d'or car, chaque jour, lorsque le temps le permettait, une demi-douzaine de mineurs s’attablaient après leur dur travail à la mine dans le jardin devant son magasin pour boire un, (souvent plusieurs !) verres à l’ombre d’un grand marronnier sous lequel le tavernier occasionnel avait installé plusieurs tables ainsi que des bancs en bois.

 

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Les époux Muller devant leur épicerie-bistrot

 

Les dimanches et les jours fériés, le « Bar en plein air »  du fermier faisait recette.

Les hommes (et même quelques femmes !) buvaient en parlant du travail, de la politique ou de la famille. Ces discussions donnaient parfois lieu à de petites disputes et de rares fois même carrément à des bagarres. En cas de conflit un peu trop « sérieux », le fermier Muller (le seul à posséder un téléphone à l’époque !) appelait le poste de gendarmerie de Stiring-Wendel qui envoyait la plupart du temps deux gendarmes à bicyclette. Inutile de dire qu’à leur arrivée, la bagarre était terminée depuis un bon moment et que la paix régnait à nouveau sous les branches feuillues du grand marronnier ! Les gendarmes prenaient alors quelques notes pour la forme et, dans la plupart des cas, regagnaient tranquillement le poste de Stiring-Wendel. Autant que je me souvienne, je ne les ai jamais vus procéder à des arrestations durant ces premières années à la Ferme de Schoeneck... !

Avec plus de 200 familles vivant à la Ferme, les commerçants du village et de la ville voisine ont rapidement flairés une source de revenus supplémentaire. Le boulanger Bastian était l'un des premiers à venir chaque jour faire sa tournée en camionnette pour vendre principalement des pains et quelques autres produits d’épicerie courants. A peu près à la même époque, deux bouchers, l'un de Stiring-Wendel (Dach) et un autre de Forbach (Bach) faisaient également une tournée quotidienne.

Ces tournées qui avaient lieu à des heures régulières devenaient pour les résidents des baraques des moments de convivialité et de rencontres mais réduisaient dans une grande proportion la fréquentation des commerces locaux. Les 3 petits commerces de la Ferme ont rapidement perdu du chiffre d’affaires à cause de ces marchands itinérants et celui qui a le plus « souffert » de cette situation nouvelle était Max le laitier. Ce dernier continuait à vendre du lait et des produits laitiers mais la vente de pain a rapidement chuté de moitié à cause de la tournée quotidienne du boulanger et, lorsqu’il vit ses ventes de pain dégringoler à quelques miches par semaine, il prit tout simplement la décision de réduire la taille de son magasin.

C'est à ce moment-là que l'ancien fermier Nicolas Surowiecki (mon père !) venu d'Ukraine a commencé à étendre son activité d’homme de la terre. Avec l’accord des H.B.L. et de son père, Max le laitier déménagea son magasin dans le cagibi de notre baraque et en retour nous laissait la jouissance de la baraque entière sans cette petite zone destinée au stockage. Max avait de bonnes relations avec les H.B.L. et il n’eut aucun problème pour le « déménagement » de son activité. De notre côté, comme nous étions une grande famille, cette opération ne pouvait que nous arranger car, pour un cagibi, perdu nous avons gagné beaucoup d’espace supplémentaire en récupérant l’intégralité du second logement de la baraque ainsi que toute la partie « jardin » s’y rattachant !

Maman transforma rapidement la partie avant de ce terrain en deux jolis jardins d’agréments car elle adorait les fleurs. A l’arrière, une partie fut convertie en un vaste potager et la deuxième section à la terre sablonneuse fut destinée (avec l’aide de Max le laitier et la bénédiction des H.B.L.) à la construction d’une petite grange flanquée d’un poulailler..

Voilà, chers amis c’est ainsi que démarra dans la cité de baraques l’activité agricole de Nicolas Surowiecki, réfugié de guerre venu de la lointaine Ukraine en passant par les camps de travail en Allemagne…

Nous étions les premiers à élever des animaux dans la cité en ces premières années et, au fil du temps, de plus en plus de personnes ont suivi notre exemple en élevant des poulets, des lapins et certains même des porcs. La plupart du bois de construction des clapiers, granges et autres « bâtiments » annexes a été fourni gracieusement par les H.B.L., quant aux planches et aux clous, ils provenaient de la quincaillerie Guir à Forbach. La construction de notre grange et du poulailler a été l’œuvre de papa, de certains de ses amis de la mine et de quelques voisins qui lui ont prêté main forte. L’ensemble a été construit en une semaine, essentiellement après le poste à la mine, toujours dans la bonne humeur et avec l’aide sous forme de calories de la bonne cuisine de maman arrosée de force bière et vin…  

Une fois terminés, le poulailler et la grange étaient prêts à accueillir des occupants.

Deux douzaines de poussins et deux coqs ont été achetés à Klarenthal (en Sarre), six lapins venaient du village, six canetons et six oies provenaient du marché de Stiring-Wendel, deux petits cochons étaient issus de l’élevage d'un fermier itinérant et deux chèvres de deux ans furent rapatriées à la ferme depuis le village de de Bousbach. Nous avions également un chien et un chat et dans la grange des pigeons et quelques souris !

Papa avait également loué deux champs, l'un destiné au foin et l'autre à la plantation de pommes de terre, de choux, de maïs et de haricots. Oui, la Ferme Nicolas Surowiecki était sur la bonne voie et, si les dépenses étaient supérieures aux recettes au cours des premiers mois, après un certain temps l’activité dégagea les premiers bénéfices et même un peu d’argent de poche grâces aux économies réalisées sur l’achat de notre nourriture…

 

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Photo colorisée de Joe posant devant sa baraque au 65 rue de la ferme

 

Mais toute cette activité était une énorme charge de travail pour nous tous, surtout pour Maman, sœur Irène et moi. Papa a aussi construit un petit fumoir dont le fonctionnement  m’incombait ainsi qu’à mon frère Roman. Le plus contraignant dans ce travail consistait à aller régulièrement chercher des copeaux de bois dans la forêt allemande après que les bûcherons aient fini de couper leurs arbres !

L’exploitation de notre petite ferme avait également quelques petits inconvénients.

Les oies et les canards mangeaient beaucoup et faisaient de ce fait leurs besoins partout et ne payaient pas beaucoup en retour. Alors, petit à petit, à l’occasion des fêtes, nous nous sommes débarrassés d'eux en les faisant passer à la casserole !

Par contre, nous avions quelques bonnes poules pondeuses qui nous donnaient 8 à 10 œufs par jour. Chaque semaine, nous en vendions une douzaine à Max pour qu'il puisse les vendre à son tour au prix du marché, ainsi Max gagnait quelques francs et nous aussi. Environ toutes les deux semaines, vers 7 heures du matin, Irène ou moi partions au marché de Stiring avec notre petite charrette remplie de lapins adultes pour les vendre.

Nous payions notre droit de place et notre permis, soit environ 350 francs de l’époque puis nous faisions une promenade pour vérifier les prix des lapins.

En général, un lapin se vendait 50 francs et vers 10 heures du matin, lorsque nous avions tout vendu, nous rentrions à la maison avec la recette de la vente…

Maman s’occupait de la traite des chèvres deux fois par jour. La première fois de la journée, tôt le matin, avant qu’elles ne soient emmenées en pâture dans le pré situé entre la ville de Klarenthal et le village de Schoeneck que Papa louait à l’année pour la somme de 500 francs.  Le soir, vers 19 heures, maman trayait à nouveau les chèvres et elle obtenait ainsi environ 2 litres de lait le matin et près de 5 litres le soir.

Nous consommions exclusivement du lait de chèvre à la maison que ce soit pour la cuisine ou pour toute autre préparation culinaire nécessitant du lait. La mère d'un de nos voisins devait boire, pour raisons de santé, chaque jour du lait de chèvre et c’est maman qui lui vendait son litre de lait quotidien… Maman en faisait également un fromage d’excellente qualité apprécié de tous à l'exception de ma sœur Lydia qui n’en consommait pas.

Il y avait aussi les porcs, qui étaient pour notre famille une bonne source de revenus, mais, comme je l'ai déjà dit, cela représentait énormément de travail pour nous tous. Quand nous sommes arrivés à la Ferme de Schoeneck, c'était difficile, non seulement pour nous, mais aussi pour la plupart des gens qui y vivaient. Environ 90 % des gens vivaient grâce aux crédits que les marchands locaux accordaient à leurs clients.

Grâce à l’activité de la Ferme Nicolas Surowiecki, nous sommes sortis du cycle infernal du crédit au bout de trois ans environ. Bien sûr cela n’a pas été un cadeau du ciel et nous avons tous travaillé dur pour y arriver…

Malgré cela, quelques années plus tard, lorsque nous avons déménagé pour nous installer dans les blocs de béton de Behren, maman a souvent dit :

- Notre petite ferme et notre jardin me manquent... Quand j'avais besoin de légumes frais ou d'œufs, il suffisait d'aller les chercher, maintenant, je dois courir au magasin...

Les premiers mois de notre vie dans la cité de Behren ont été très durs pour maman. Elle avait beaucoup de temps devant elle, mais elle disait :

- Cuisinière à gaz, eau chaude, des toilettes à chasse d'eau, une douche et une baignoire... Cela ne m'a pas manqué lorsque nous vivions à la Ferme de Schoeneck... Mais maintenant que j'ai tout cela, je ne savais pas ce qui me manquait...  La ferme me manque, mais pas la baraque et tout le travail autour !

C’est vrai qu'il y avait beaucoup à faire, mais, malgré le travail à la mine et le travail autour de la maison et dans les jardins, je trouvais toujours du temps pour sortir avec mes amis et passer des moments agréables. En regardant en arrière, je me demande comment j'ai pu faire tout cela, mais croyez-moi, si j'avais la possibilité de remonter le temps jusqu'à cette époque, eh bien je le ferais sans la moindre hésitation !

 

* * * * * * * * * *

(2) Le cirque est arrivé !

Je ne me souviens plus de la date exacte à laquelle le premier « Cirque » s’est installé à la Ferme de Schoeneck sur notre terrain de jeu la «  Mare », mais je sais que c’était pendant les vacances d’été vers la fin du mois de juillet 1951.

A l’époque, bien que les houillères proposaient déjà des possibilités d’aller en « colonies de vacances », la plupart des enfants restaient dans la cité de baraques et se contentaient des habituels jeux dans les forêts environnantes. Ce n’est que bien plus tard que quelques parents prirent conscience de cette l’offre et en firent profiter leurs rejetons.

Quant à moi, avec tout le travail dans la maison, au jardin et les animaux à nourrir et à soigner, il allait de soi que mes vacances se déroulaient à la maison…

Mais revenons plutôt à ce fameux  « Cirque ». Nous étions en train de jouer sur la place lorsque plusieurs remorques de cirque de couleur rouge et jaune se sont arrêtées entre la place de la mare et la ferme du père Muller.

Deux hommes en sont sortis, se sont dirigés vers nous et ont examiné l’endroit pendant un moment. Après une courte réflexion, l’un d’eux a dit :

L’endroit me semble assez grand pour accueillir la piste et le spectacle, alors c’est bon, on va tout installer ici !

Ils repartirent aussitôt vers les remorques et quelques minutes plus tard ce sont deux jeunes femmes qui sont venues vers nous et nous ont gentiment demandé d’arrêter nos jeux, de vider la place et d’emporter nos affaires afin qu’elles puissent préparer la piste pour le spectacle du soir.

Un peu plus tard, elles sont revenues vers nous avec un tas de petites affichettes écrites en français et en allemand et nous ont demandé si on voulait bien aller les distribuer dans la cité ainsi qu’au village afin que tous les habitants soient informés qu’un cirque vient d’arriver et qu’il donnera un grand spectacle dans la soirée.

Si vous distribuez tous les tracts, vous aurez chacun droit à une entrée gratuite !   

L’argument « entrée gratuite » n’était pas tombé dans l’oreille de sourds et nous sommes aussitôt partis en courant vers le village pour commencer la distribution…

 

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Pendant que nous faisions du porte à porte avec les tracts, les gens du cirque ont installé leur matériel. Ils n’ont pas monté de grand chapiteau mais se sont contenté de mettre en place une structure fermant la piste sur les côtés à l'intérieur de laquelle ils ont disposé une cinquantaine de sièges pliants ainsi que quelques sièges posés directement sur le sol.

En quelques heures tout était prêt et le spectacle allait pouvoir commencer…

Au départ ils n’avaient prévu de ne rester qu’une seule nuit à la Ferme de Schoeneck, mais, comme ils avaient fait le plein le premier soir, ils ont décidé de faire une deuxième représentation le lendemain.

Le spectacle en lui-même était très drôle. Il avait des clowns qui nous faisaient bien rire puis un superbe numéro avec deux chevaux menés par une jeune femme qui faisait sauter un chien dressé d’un cheval à l’autre pendant qu’ils galopaient autour de la piste. Ensuite il y eut plusieurs numéros avec des chiens très bien dressés qui faisaient toutes sortes de tours avec beaucoup d'adresse... Mais la partie qui m’a le plus impressionné fût celle avec une chèvre « déguisée » en taureau noir et un jeune garçon qui jouait le rôle du Toréro. Pour moi, c'était le numéro le plus drôle et le plus réussi de la soirée !

Il y avait également un vieux tigre qui restait sagement assis dans sa cage ainsi que plusieurs jeunes singes dans les arbres qui ont assisté gratuitement au spectacle !

Le tout était accompagné par de nombreux morceaux de musique de cirque joués par un trio de musicien faisant office d'orchestre... Bref, pour un petit cirque venu à la Ferme de Schoeneck, ce n'était pas mal du tout comme spectacle et les habitants adultes et enfants étaient ravis et en ont parlé pendant plusieurs jours.

Les 200 francs dépensés pour voir le spectacle étaient un excellent investissement eu égard au plaisir qu'ils en ont retiré.

Quelques années plus tard, un autre cirque est venu à la Ferme de Schoeneck...

Cette fois, il s'agissait d'un spectacle animalier avec toutes sortes de bêtes sauvages mais ils ne sont restés qu'un seul jour à la « Mare ». Pour 100 francs de l’époque, on pouvait voir des lions, des tigres, des panthères, beaucoup de singes et d'oiseaux, un zèbre et même un chameau ! En fait, ça ne changeait pas grand-chose car nous-mêmes avons parfois été traités d'animaux sauvages par certains de nos anciens !

 

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Après le spectacle, les artistes se reposent...

 

Oui, à la Ferme de Schoeneck on a connu de nombreuses activités et pas seulement nos jeux d’enfants et nos aventures dans la forêt. Il y avait également des activités sportives amateurs comme les courses de vélos organisées par les villes de Stiring-Wendel ou de Forbach. Quelques fois ces courses traversaient le village, puis la Ferme ainsi que la Halte Schoeneck. Ce n’était pas toujours drôle quand ils passaient dans les rues de la Ferme à cause des nombreux chiens errants mais cela n’inquiétait pas vraiment les participants.

Le Village avait deux cyclistes qui étaient d'assez bon niveau qui s'appelaient Reinert et Bastian et, à la Ferme il y avait Perella et Weber deux coureurs moyens qui couraient dans l'équipe de Sarreguemines.

Les organisateurs aimaient passer par Schoeneck à cause de la montée, idéale en vélo, entre Stiring et Schoeneck plutôt que de passer par la Halte vers Petite Rosselle où il n’y avait qu’une légère déclivité. A la Halte vivaient également de nombreux cyclistes amateurs d’origine italienne dont certains (Orlondini et Belardi) avaient gagné plusieurs courses au profit du club cycliste de Forbach…

Voilà, comme vous pouvez le constater, la vie à la Ferme a eu des moments amusants, non seulement avec nous les « jeunes » clowns, mais aussi avec de vrais clowns et des activités sportives sérieuses. Si la vie était dure pour les résidents, ici et là un rayon de soleil apparaissait pour rendre la vie un peu plus facile, ne serait-ce que l’espace d’un instant…

Quant à nous, les jeunes, nous nous amusions 24 heures sur 24. Enfin pas vraiment, il nous fallait quand-même quelques heures de repos afin de récupérer de l’énergie pour jouer ou faire de nouvelles bêtises le lendemain !

 

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(3) Le Foot, ma passion !

Bonjour les amis, en cette période de mondial de foot, j’aimerai vous raconter une nouvelle petite histoire dans laquelle, nous, les anciens gamins de la Ferme de Schoeneck et quelques autres de la Halte Schoeneck avons rejoint les minimes de l'US Forbach durant la saison 1949/1950.

La plupart d'entre nous « tapaient le ballon » à la cité de baraques de la Ferme et de la Halte Schoeneck mais nous n’avions jamais émis l’idée de rejoindre une véritable équipe ou une fédération…

Pourtant, en 1949 nous sommes entrés dans la Ligue non seulement avec l'espoir de devenir de futurs Raymond KopaJust Fontaine ou Di Stéphano, ces vedettes du ballon rond de l’époque mais surtout parce que l’US Forbach offrait gratuitement les équipements sportifs (pour la plupart usagés) à leur joueurs sous forme de T-Shirts, de Shorts, de chaussures de Foot ainsi qu’un laissez-passer permettant de voir gratuitement tous les matchs à domicile

Nous avons donc commencé à jouer avec les « BIG BOYS » et participé à des matchs réguliers les dimanches ou les jours fériés contre les équipes de notre âge de Striring-Wendel, Petite Rosselle, Marineau, Sarreguemines, L'Hôpital, Merlebach, Sainte  Fontaine, Carling et Metz.

Pour se rendre à ces matchs nous prenions le Bus et ces trajets étaient toujours très amusants, surtout lorsque nous avions gagné et je dois dire en toute franchise que nous en avions gagné quelques-uns.

Malheureusement nous avons également perdu avec des scores désastreux comme ceux contre Merlebach (11-0) ou celui contre L'Hôpital (10-0) 0 ou encore celui contre Sainte Fontaine (17-0 par deux fois) !

Mais, comme on le dit si bien, pour gagner il faut également savoir perdre !

Quoi qu’il en soit, qu’on ait gagné ou perdu, on s'est toujours bien amusé et on allait diner ces soirs là au "Cheval d'Or" à Forbach qui proposait un excellent repas à l’époque pour nous les enfants qui n’avions pas l’habitude de manger à l'extérieur dans un restaurant...

 

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L'US Forbach en 1957. Pour voir d'autres photos, cliquez sur la photo (c) ALMG

 

Les débuts ont été difficiles et notre première saison n'a pas été la meilleure.

En réalité il nous a fallu trois saisons pour réussir à atteindre un certain équilibre et quatre saisons pour notre première saison gagnante.

Quelques années plus tard, lorsque l’US Forbach est devenu PRO et jouait dans les grandes villes (Paris, Metz, Nancy ou Strasbourg) nous prenions le Bus (moyennant 250 francs de l’époque !) pour aller assister aux matchs mais il fallait encore payer le ticket d'entrée au stade !

La plupart de mes amis ont continué à jouer à Forbach pendant quelques saisons.

En ce qui me concerne, j’y ai joué jusqu'en 1958, année où nous avons quitté les baraques de la Ferme de Schoeneck pour aller habiter dans les blocs flambants neufs de la toute nouvelle cité de Behren.

La ville de Behren avait également créé une équipe que j'ai aussitôt rejoint, ce qui fût d’ailleurs une grosse erreur de ma part.

Comme je n’avais pas demandé mon transfert à la fédération lorraine de football, cette dernière m’a suspendu pour 2 saisons et ce fût la fin de ma carrière de footballeur en France.

Un an plus tard j'ai déménagé à Chicago mais j'ai continué à assouvir ma passion du ballon rond cette fois pendant 3 ans avec les Chicago Lions !

Bref, rien que de merveilleux souvenirs sportifs jusqu’à ce qu’interviennent d’autres éléments dans nos vies d'adolescents et ces derniers s’appelaient « Les filles ».

A partir de ce moment-là, la situation devenait cornélienne...

Fallait-il courir derrière le ballon ou derrière les filles » ?

Aujourd’hui je peux bien l’avouer, bien souvent ce sont les filles qui ont gagné !

 

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(4) Avec arcs et flèches

Nous sommes arrivés à la Ferme de Schoeneck fin janvier 1947.

Je me souviens qu’il faisait très froid dans les baraquements mais, avec des couvertures supplémentaires et un poêle brûlant toute la nuit nous avons survécu et, avec le temps, nous avons bénéficié d’une vie bien meilleure que celle des réfugiés de la Seconde Guerre mondiale du camp de Göttingen, en Allemagne…

La Ferme de Schoeneck est une petite cité de baraquements située à environ 800 mètres du petit village de Schoeneck, une localité proche de la frontière allemande et du « Land » de la Sarre.

Je suis rapidement tombé amoureux de cette région entourée de forêts, un lieu de jeu idéal pour le jeune garçon de 9 ans que j’étais et qui adorait, comme tous les gamins de l’époque, courir et jouer dans les bois.  Frontière oblige, il y avait deux forêts distinctes : la forêt allemande et la forêt française, mais, durant ces premières années d’après-guerre, il y avait une grande différence entre les deux, surtout après la deuxième guerre mondiale.

En ce qui concerne la Ferme de Schoeneck elle-même, il m'a fallu environ deux ans pour commencer à aimer l'endroit. Lorsque nous sommes arrivés, tout avait l'air gris et triste dans ce décor de ruelles bordé de baraques en panneaux de bois sans eau courante.

Seules des pompes extérieures situées à différents endroits de la cité permettaient aux habitants de se fournir en eau potable à l’aide de seaux et de bidons mais des toilettes avec fosse d’aisance étaient situées à l'intérieur de chaque baraquement.

La seule végétation était fournie par la nature, puis, au fil du temps, les résidents, dont la plupart étaient originaires d'l'Europe de l'Est, ont mis en place des clôtures en bois délimitant pour chaque habitation des jardins potagers et de magnifiques parterres de fleurs. Des couleurs chatoyantes remplacèrent petit à petit la grisaille et, en l’espace de quelques années, l’endroit était devenu agréable à vivre et allait permettre à toutes ses familles déracinées à commencer leur nouvelle vie…

A la Ferme de Schoeneck chacune des baraques abritait deux familles. Ces familles étaient gérées par l’administration des Houillères du Bassin de Lorraine (H.B.L.) et toute initiative autour ou à l’intérieur de ces logements nécessitait l’approbation du service des logements de la mine.

Ces logements abritaient uniquement les familles d’ouvriers qui travaillaient dans les mines et la grande majorité de ces familles avaient été déplacées, après la Seconde Guerre mondiale, de Russie, de Pologne, d'Ukraine, de Russie blanche, d'Estonie, de Lettonie, d'Allemagne et de France car ils avaient perdu leurs maisons et leurs biens suite à la guerre.

Mis à part le côté humanitaire, il faut bien dire que la raison principale était économique car les mines de charbon étaient confrontées à un cruel manque de main-d'œuvre.

Après la Seconde Guerre mondiale, environ 60 % de l'économie française provenait des charbonnages du nord et de l'est de la France ainsi que de la région de Clermont-Ferrand.

Ce « Melting-Pot » dans lequel se confondaient diverses cultures, diverses langues et diverses traditions a fait en sorte que ces gens ont pu vivre en osmose tout en conservant leurs styles de vie... La vie était dure pour TOUS, mais vivre enfin dans la PAIX était formidable pour chacun, même pour les gens du village lesquels, au début, n'aimaient pas que nous entrions dans leur vie.

Au fil des ans, certains ont appris à nous apprécier voire à nous aimer et quelques-uns se sont même mariés avec des habitants ou habitantes de la cité de baraques... !

Je dois dire que l'histoire de la Sarre et de Schoeneck est très intéressante à lire, mais la vivre, surtout durant ces années-là l'est encore plus. Mais revenons à nos jeux d’enfants avec arcs et flèches dans les forêts entourant la cité de la Ferme de Schoeneck…!

Comme je l’ai dit en introduction, les forêts sont une sorte de paradis pour les jeunes garçons.

A partir du moment où nous nous avions réussi à nous faire de premiers amis, nos aventures dans les bois ont commencé par la fabrication de lance-pierres et d'arcs et de flèches. J’aurais pu suivre les instructions données par Clément Keller concernant la fabrication du lance-pierres mais ,en ce qui me concerne, j’étais plus intéressé par les arcs et les flèches !

La fabrication des flèches étaient un véritable défi. S’il suffisait de trouver une belle branche flexible pour fabriquer l’arc, la réalisation des flèches nécessitait des branches fines et bien droites bien plus difficiles à trouver et, lors de chaque sortie dans les bois, tous les gamins commençaient par rechercher ces branches bien plus rares qui allaient devenir nos futures munitions.

Par un dimanche après-midi humide et ennuyeux, les trois Mousquetaires Roos, Paul et moi-même s’ennuient à mourir... Aucun de match de football en vue, le foyer de la Cimade est fermé le dimanche et nous sommes tous les trois fauchés comme les blés...

Stationné dans une des rues du village, nous tombons sur le camion de livraison du père Bug, le marchand de boissons local avec, sur ce camion, toute une cargaison de bouteilles vides… Une idée lumineuse nous traverse alors l’esprit... Des bouteilles vides cela signifie consigne et consigne signifie argent…

Bien sûr cela s’appelle du vol mais vu l’état de nos finances nous n’avons pas le choix. Nous approchons avec prudence du camion et chacun d’entre nous s’empare de deux bouteilles de vin vides. Les magasins sont fermés le dimanche mais les bistrots sont ouverts alors nous allons les échanger deux par deux, d'abord chez Koenig, le bistro à la frontière, puis deux autres en face dans un autre bistro dont je ne me souviens plus du nom et les deux dernières à la Valuta… Suite à ce "trafic", nous nous retrouvons donc chacun avec 60 centimes en poche qui se sont rapidement transformés en Carambar et en caramels !

J'ouvre ici une petite parenthèse : Quelques années plus tard, pour « arrondir » nos fins de mois, on a tous les trois travaillé à temps partiel pour ce même père Bug et nous lui avons confessé notre larcin. Le père Bug nous a simplement regardé droit dans les yeux et a dit : Eh bien, je retiendrai cet argent sur vos salaires aujourd'hui... Et il l’a fait! Je referme cette parenthèse et continue mon récit...

Une fois nos friandises avalées, nous avons continué notre chemin en marchant dans l'herbe mouillée sur le bas-côté de la route menant de Schoeneck à Forbach, tout tirant de temps à autre quelques cailloux avec nos lance-pierres…

À mi-chemin, nous avons tourné à droite pour retourner à la Ferme en passant par un petit sentier sinueux utilisé au quotidien par les mineurs qui travaillaient à la nouvelle mine de charbon du Puits Simon 5...

Après quelques mètres de marche sur ce sentier, Roos trébuche et tombe directement dans un grand lit de plantes vertes, droites et élancées ressemblant à des fougères... Cette plante mesurait environ 50 cm de haut et la tige verte avait à peu près le diamètre d'un crayon. Roos se releva et en arracha une sans effort car le sol était humide. La racine ressemblait à une petite carotte noire et, au sommet de la tige il y avait deux minuscules branches garnies de quelques jeunes feuilles.

Il observe pendant quelques seconde la plante qu’il venait d’arracher et nous dit :

- Regardez les gars, comme la tige est bien droite, elle est un peu courte mais elle ferait une superbe flèche !  Paul lui répondit qu’il connaissait cette plante et qu’elle faisait plus d’un mètre lorsqu’elle arriverait en fin de croissance…

- Alors laissons les pousser et revenons ici dans une semaine ou deux pour voir ce qu’il en est…

Quelques semaines plus tard elles avaient effectivement poussé et avaient atteint une hauteur de plus d’un mètre. Nous en avons arraché quelques-unes et constaté que la plupart des tiges étaient parfaitement droites... Pour l’instant, ces tiges étaient encore vertes et flexibles, mais après un séchage de quelques jours, elles devinrent toutes grises et dures. C’est ainsi que dame nature nous a fourni une flèche qui est devenue notre « flèche officielle ». Nous n'avions plus besoin de perdre des heures à chercher des branches droites car nous avions enfin trouvé notre bonheur !

 

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Sur le chemin du retour nous sommes passés par « Simon Sud » et, le long de la voie ferrée des HBL nous avons aperçu deux jeunes garçons en train de poser des clous sur les rails du train qui transportait le personnel vers les différents puits de la région. Nous sommes allés à leur rencontre et je leur ai demandé ce qu'ils faisaient...

Ils nous ont expliqué que lorsque le train passait sur les clous posés sur les rails ces derniers étaient aplatis et qu’ensuite, en les limant pour leur donner la bonne forme  on obtenait de belles têtes de flèches !

Posés à côté des rails il y avait déjà une demi-douzaine de clous déjà aplatis et nous les avons pris en main pour y jeter un coup d’œil… C’était une excellente idée, leur méthode semblait bonne et nous décidâmes d'en fabriquer à notre tour mais avec des clous plus grands  afin de les utiliser sur nos flèches...

Aussitôt dit, aussitôt fait et nous sommes rentré chez nous pour récupérer une poignée de clous de taille moyenne que nous avons sans attendre posés sur les rails de  la voie ferrée de la « Halte de Schoeneck ».

Le lendemain matin nous sommes allés vérifier si le train était passé et, oh surprise, la plupart des clous étaient aplatis et pouvaient équiper nos flèches...  

Cela a nécessité un peu de travail et quelques coupures aux doigts pour les fixer solidement à la tige, mais avec de la colle forte et du « Schiesdraht », ce fil de cuivre utilisé pour activer le détonateur lors du tir dans les mines de charbon, nous avons eu des flèches acérées idéales pour nos parties de « chasse » dans la forêt.  

Je dois reconnaître que la seule victime « tirée » par Paul fût un gros corbeau et, si la survie alimentaire de notre groupe avait été dépendante de nos « prises » de chasse, nous serions probablement tous morts de faim en peu de temps !

Voilà chers amis, c’était une des nombreuses activités pratiquées par les ados à l’époque de la Ferme de Schoeneck…

Un peu plus tard, nous avons fréquenté les salles de bal et connus nos premiers émois avec de charmantes personnes du sexe opposé… Mais ça, c’est une autre histoire !

 

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11/05/2023
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