Chantal Faber : un noël inoubliable !
Dans les années 1960, Noël était vraiment célébré, non comme une fête commerciale, mais comme une fête de famille riche de traditions et surtout religieuse.
Déjà, ce n’était pas le "Père Noël" qui venait nous apporter des cadeaux, mais le "Krichkindche" en clair "le petit Jésus", puisque c’était sa naissance que l’on célébrait.
On avait donc droit au "si tu n’es pas sage, Krichkindche ne va rien t’apporter " !
La fête commençait avant Noël avec les rituels des messes, premier dimanche de l’Avent, jusqu’à ce qu’on arrive à la messe de minuit où l’église était tout simplement bondée !
A la maison on s’activait également. Enfin, surtout ma mère, qui commençait à confectionner des "Spritz, des Ausgestochene", tradition mosellane qui consistait à confectionner toutes sortes de biscuits pour Noël, et comme on était gourmands, elle remplissait de nombreuses boîtes en "blech" qui gardaient les biscuits pendant deux mois, s’ils arrivaient jusque-là sans être dévorés avant. On commençait à en déguster bien avant Noël ! Il fallait souvent plusieurs jours pour les faire, et quand les boîtes étaient un peu trop vides avant Noël, ma mère se mettait à nouveau aux fourneaux.
A l’église, quelqu’un du village toujours la même personne, montait une crèche assez imposante avec de grands sapins et quelques illuminations. Je trouvais cette crèche très belle ! Et je me souviens du petit personnage noir, qui dodelinait de la tête quand on mettait des sous dans l’ouverture. Autant dire que lorsque j’étais toute petite, j’étais fascinée et j’attendais avec impatience qu’on me donne des piécettes pour le voir me dire "merci". J’ai entendu que ces personnages étaient toujours à l’église à Schoeneck, et font peut-être encore la joie des petits. Du moins je l’espère. La crèche était toujours installée à droite de l’autel.
A la messe de minuit, quand l’église était bien remplie, avec toutes ces lumières, les sapins, les fleurs, les chants de Noël, et l’odeur de l’encens, je crois bien que je planais légèrement ! Je ne retrouvais cette atmosphère bien particulière qu’à Noël !
Il y avait bien Pâques et toutes ces autres fêtes qui toutes passaient pas l’église, mais aucune ne ressemblait à celle-ci !
Ma grand-tante, qui a été "sacristaine" pendant des années et des années (en général c’était plutôt des sacristains) jusqu’à ce que sa santé l’en empêche, s’occupait de préparer les messes, la tenue du curé, de mettre les hosties et le calice dans le tabernacle, qu’on trouvait tout au fond de l’église derrière l’autel. Sans oublier le vin ! Il y avait toujours à faire, surtout lors des grandes fêtes religieuses.
Plus tard, quand j’avais une dizaine d’années, j’allais l’aider pour placer les fleurs près de l’autel, et la suivre pas à pas dans la sacristie où je ne perdais pas une miette de toute cette organisation méticuleuse.
Joséphine, la grand-tante et "Sacristaine" du curé
J’adorais avoir une vue de l’intérieur de l’église à partir de l’autel qui était surélevé de quelques marches et je me faisais mon petit cinéma...
J’aidais à remettre la nappe de l’autel en place, qu’elle avait bien repassée et amidonnée et parfois, j’obtenais le droit de passer la porte dont elle avait la clé pour monter l’escalier en colimaçon qui menait au clocher d’où nous avions une vue imprenable sur le village et les cloches.
Quand les cloches n’ont plus été manuelles, elle allait plusieurs fois dans la journée matin, midi et soir pour appuyer sur le bouton qui les démarrait. Ce n’était pas encore automatique, et elle devait se déplacer. J’avoue ne pas savoir qui était le sonneur de cloches avant elle. Je ne pense pas qu’elle se suspendait à une corde, vu son petit gabarit ! Peut-être Clément avec son grand-père Suisse le sait ou les anciens du village comme Vincent.
Mais revenons à Noël !
Quelques jours avant Noël on s’occupait du sapin, un vrai ! Je suppose que les magasins du village en proposaient ? Je n’ai pas de souvenirs pour cette question.
Bien sûr, il fallait tailler le pied afin qu’il rentre dans le support en fer forgé qui le maintenait ensuite en place. En général un de mes frères s’en occupait, ils étaient déjà grands. Un jour pourtant, pour une obscure raison, la tâche a été confiée à mon père, qui n’avait pas envie de le faire. Sûrement, parce qu’il était le seul à la maison et que j’étais pressée de décorer le sapin. A la maison il ne bricolait on va dire quasi jamais, même si après sa retraite de mineur du jour, il s’est lancé dans la ferronnerie pour fabriquer nombre de clôtures ou rampes d’escaliers en fer forgé, et on venait même d’ailleurs pour prendre commande. Il allait aussi dépanner les voisins, mais bricoler à la maison, non ! Il avait trois fils très débrouillards, ils pouvaient bien s’en occuper. Probablement qu’il avait plus de compliments de la part des voisins !....
Donc, ce jour-là, il a commencé à tailler le pied, normal, puis à élaguer les branches gênantes près du pied, mais il ne s’est pas arrêté en si bon chemin, il a tellement bien élagué, qu’il avait complètement dénudé tout le bas du sapin et il avait maintenant piètre allure. Ma mère et moi avons eu un choc ! Je me suis mise à pleurer et à crier après lui, c’était tout simplement une catastrophe nationale.
Ma mère était en colère. On a laissé le sapin au sous-sol, jusqu’à ce que mon frère rentre, il en a eu plein les oreilles ! Il est allé voir l’objet du massacre, et a constaté les dégâts qui paraissaient irrémédiables. Puis il eut une idée ! Il a percé des petits trous dans le tronc et a enfoncé les branches qui manquaient, et a réussi à les faire tenir.
Il est probable que les épines soient tombées plus vite que le reste de l’arbre, mais Noël était sauf ! Il avait à nouveau une allure acceptable, inutile de dire qu’on n’a plus demandé à mon père de tailler le sapin.
On a pu passer à la suite, décorer le sapin avec les lumières, les boules, et le "lametta", ces fils argentés qu’on suspendait au bout de chaque branche et qui rendait l’arbre tellement merveilleux. On avait également ces petites boules cotonneuses qui ressemblaient à de la neige! Je crois bien que c’était un genre de fibre de verre.
C’était bien sûr tout un cérémonial. Les boules étaient en verre et cassaient facilement, il fallait prendre des précautions. Et les premières guirlandes électriques étaient arrivées.
Mais ma grand-mère avait encore ces petites pinces avec les bougies dessus.
C’est étonnant que ça n’ait jamais pris feu ! Elle avait aussi ces petits oiseaux multicolores qu’on installait sur l’arbre avec une pince.
Les décorations du sapin de noël dans les années 60
Il y avait d’autres rituels chez nous, particulièrement le pâté de lapin maison que préparaient mes parents. Mon père coupait le "speck" qui rentrait dans la composition, avec un couteau tellement souvent aiguisé, qu’il avait perdu un tiers de sa lame.
C’est vraiment une image que je garde de mon père, la façon dont il aiguisait les couteaux ! Tout un cérémonial ! Il cuisinait tous les dimanches quand nous allions à la messe car il ne mettait jamais les pieds à l’église.
Le 24 décembre, nous avions les cadeaux vers 17h !
Un moment super excitant, que j’attendais avec impatience. L’attente était tellement longue. En général, j’étais toujours ravie de mes cadeaux. Sauf une fois. J’avais pu essayer le petit vélo de ma petite cousine l’été précédent, elle était venue du "Schacht" jusque chez moi, rue Clémenceau pour me montrer. A l’époque, pas de voiture, les enfants se déplaçaient dans une bonne partie du village sans les adultes. On allait même tout seuls à l’école.
Une fois sur le vélo, j’avais réussi très rapidement à me débrouiller, j’avais 6 ans.
A partir de ce moment, mon plus grand rêve était d’avoir un vélo, et à Noël de cette année-là, je pensais voir mon rêve exaucé !
Hélas, cruelle déception... On m’a offert une trottinette ! Probablement que le vélo était trop cher.
J’ai accusé le coup, mais j’ai vite oublié ma déception, et finalement je me suis pas mal amusée avec ma trottinette. J’étais plutôt gâtée pour l’époque, en plus du cadeau de mes parents, j’avais aussi les cadeaux de mes trois grands frères, et en prime le cadeau de la mine. Je pense que certains s’en souviennent. Le lendemain j’avais celui de ma grand-mère, et le 26 décembre celui de ma grand-tante.
La poupée Bella, les assiettes avec les oranges et un parapluie offert par la grand-tante
Lors d’un Noël où j’étais encore très petite, je jouais avec les personnages de la crèche, et j’avais dans la main le petit Jésus, qui ressemblait étrangement aux petits Jésus en sucre qu’on nous donnait comme friandise. Je ne sais pas ce qui m’a pris, mais j’ai brutalement mordu dans la tête du petit Jésus et je l’ai décapité !
Sacrilège, ils étaient tous sidérés et moi aussi, je venais de m’apercevoir qu’il n’était pas en sucre. J’étais vraiment honteuse, ça m’a gâché la soirée ! Il a fallu racheter le personnage principal. Une année, j’avais reçu une poupée Bella !
Elle m’avait tellement plu que j’ai gardé le nom de la marque comme prénom. Et je l’ai gardée des années, ma poupée fétiche.
Au retour de la messe de minuit, on dégustait le pâté maison, on terminait par les biscuits de Noël que j’avais exceptionnellement le droit de tremper dans un mélange de vin et d’eau ! Faut dire que je trempais tout, des tartines du matin dans mon café au lait, jusqu’à la tartine de sardines que je trempais également dans le café le soir ! Effectivement, ça ne paraît pas très ragoûtant, mais qu’est-ce que c’était bon !
J’ai gardé une nostalgie incroyable de ces moments.
Plus tard quand mes frères étaient tous mariés, ils revenaient encore après la messe pour continuer ce petit rituel. A partir de 11 ans j’étais seule à la maison, l’ambiance n’était plus la même, alors à chaque fois qu’ils revenaient, j’étais aux anges; ça valait bien les dîners pantagruéliques de maintenant.
Bien plus tard, il est arrivé un moment où nous avons arrêté !
J’étais partie de la maison à 20 ans et comme mes frères avaient déjà des enfants, nous n’allions plus chez mes parents après la messe de minuit. On allait tous les rejoindre le 25 pour boire le café et le saumon avait remplacé le pâté maison !
Mais on était grands, plus rien n’avait le même charme... Chantal Faber janvier 2020
La fameuse trottinette et la poupée Bella
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