NOSTALGIA, le Blog qui fait oublier les tracas

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Arsène Hartzer : Chroniques indiennes (1)

Le contexte : En 1972 la société dans laquelle je travaillais a signé un contrat de +/- 50 Millions de francs avec une Société indienne pour la fourniture d’équipements destinés à la construction d’une usine d’engrais située à Sindri, dans l’état du Bihâr qui se trouve au nord-est de l’Inde entre le Bengale et le Népal.

Pour ceux que cela intéresse : CLIQUEZ ICI

J’ai été chargé de coordonner cette affaire qui consistait à sélectionner différents équipements entrant dans la construction de cette usine et à aller présenter nos choix, techniques et économiques, au client indien qui nous chargeait d’acheter et d’expédier les équipements qu’il avait choisi.  Pour ce faire j’ai été amené à me rendre, avec des collègues techniciens, plusieurs fois sur place entre 1973 et 1976

Première expérience : Début 1973, mon patron direct, le Directeur Financier et Commercial me dit :

- Dites-moi, Hartzer, vous avez fait la même Ecole de  Commerce que moi, et vous parlez donc parfaitement Anglais, non ?, alors faites-vous faire les vaccins nécessaires, vous partez à Sindri la semaine prochaine... 

 

Campagne Indienne.jpg

                                                                  Campagne indienne 

 

En fait, mon Anglais était plus que scolaire, ayant privilégié l’Allemand pendant mes études.

A cette époque, à part un voyage d’études en URSS et des vacances en Italie et en Espagne, je ne connaissais pas grand-chose du monde.

Notre 1ère mission, avec un collègue, qui avait déjà bourlingué un peu, a eu lieu en avril 1973.

Il faut se souvenir qu’à cette époque les ordinateurs n’existaient pas et que nous devions emmener tous les dossiers papiers, ce qui représentait une cantine d’environ 50 kg, à trimballer en plus de nos valises.

Le vol AF Paris - New Dehli, qui partait encore d’Orly, décollait vers midi, la durée de vol, avec escale, était de +/- 12 heures ce qui nous faisait arriver vers minuit à Dehli où, avec le décalage horaire il était déjà 5 h du matin.

Il faut se souvenir qu’à cette époque la tenue de rigueur, pour tout cadre qui se respectait, était le costume cravate.

Mon premier souvenir de cette mission est la descente de la passerelle de l’avion à Dehli, température +/- 25° avec 95% d’humidité. Autant dire qu’après la traversée, à pied, du tarmac jusqu’à l’aérogare, le costume était trempé et la cravate oubliée.

Le temps des formalités, et de sortie de l’aéroport et c’était déjà l’heure du petit déjeuner.

Entre temps, à force de palabrer avec les autorités locales, une bonne partie de mon anglais  m’était revenu, rien de tel qu’une immersion totale pour vite apprendre, ou réapprendre, une langue.

Ce qui frappe le plus en arrivant dans ce pays, ce sont les odeurs, le bruit, et une ambiance tout à fait particulière, qui est en fait indescriptible quand on ne l’a pas vécue.

Lorsque je suis retourné en Inde en 2015, avec mon épouse, j’ai retrouvé exactement cette même ambiance que j’avais connue 40 ans plus tôt, rien n’avait changé.

Mais nous n’étions pas totalement perdus, en effet note société avait un bureau de représentation en Inde, qui nous mettait à disposition des voitures avec chauffeurs lors de nos différentes étapes.

Mais Dehli n’était que le début de note trip, nous reprenions l’avion pour Calcutta (2 heures de vol) pour y passer la nuit avant de prendre un train pour nous rendre à Dhanbad, la gare la plus proche de notre destination finale, Sindri, qui était un bled au bout du monde encore à 1 heure de voiture.

Ce train s’appelait le Coalfield Express qui partait vers 17 h de Calcutta pour arriver vers 21h30 à Dhanbad après avoir parcouru +/- 250 km.

Le train partait de Howrah Station : la plus grande gare de Calcutta qui, à cette époque était encore desservie, entre autres, par des taxis diligences dans le plus pur style Far-West.

 

Taxi devant la gare de Calcutta.jpg

                                                                    Howrath Station 

 

Ce voyage était assez extraordinaire, il y avait, pour les 1ère classes, quelques vieux wagons anglais ou nous avions un compartiment Sleeping avec banquettes en cuir, boiseries en acajou et un cabinet de toilettes. Le tout un peu vieillot, mais avec plein de charme, et climatisé.

Mais il n’y avait pas que ça, en fait ce train comportait 3 classes, et il n’était pas inhabituel de croiser des voyageurs avec leurs casiers à volailles en route pour le prochain marché.

Une chose que les Indiens ont bien su garder, c’est le sens du service à l’anglaise.

Il y avait dans ce train un Room Service. Un garçon, tiré à quatre épingles, passait vous présenter une carte avec un tas de petits plats qui avaient l’air assez appétissants.

Vous lui passiez commande et vous étiez servi, dans le pur style British, quelques temps après.

Au bout d’un certain nombre de voyages nous avons essayé de savoir ou pouvait se trouver la cuisine de ce train. En fait il n’y en avait pas, comme le train s’arrêtait une douzaine de fois en cours de route,  Le Room Service achetait en fait les plats à de petits marchands ambulants qui officiaient sur les quais des gares desservies.

Nous avions eu la puce à l’oreille le jour où nous avions pris des œufs sur le plat qui étaient parsemés de de petites escarbilles noires. Ayant demandé au serveur de quoi il s’agissait, il nous a assuré, sans broncher :

- Le Chef a voulu vous faire plaisir, à vous les Français, et il a rajouté quelques copeaux de truffes !                                                                                                          

En fait il s’agissait de résidus du charbon de bois qui avait servi à la cuisson, des dits œufs, sur le quai de la  gare précédente.

Cela ne nous a pas empêché de déguster le plat et de bien rigoler car ce serveur ne manquait en fait pas d’humour, anglais vraisemblablement.

A Dhanbad, nous étions, en principe, récupérés par une voiture, envoyée par le client, pour nous ramener à Sindri,

 

* * * * * * * * * * 

 

Après 3 jours de voyage nous voilà arrivés à SINDRI, notre destination finale, qui était « une ville nouvelle » érigée dans une région sauvage du Bihar.                  

L’endroit avait été choisi pour l’implantation, à proximité de mines de charbons, d’usines d’engrais dont l’Inde, pays en voie de développement, avait grand besoin.

La campagne était parsemée de mines et de cokeries et le centre-ville se résumait à une place centrale avec quelques échoppes comme sur les photos ci-dessous :

 

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             Mines & Cockeries                                                       Le centre ville

 

Il y avait déjà des cités pour les ouvriers ainsi qu’un quartier résidentiel avec de grandes maisons et jardins où étaient logés les cadres de l’entreprise qui exploitait ces usines.

Nos amis Indiens aimaient à nous raconter qu’il avait fallu pas mal de temps pour déloger les serpents et quelques autres animaux sauvages avant de pouvoir s’installer.

Il n’était pas inhabituel qu’ils hébergent un ou plusieurs cobras dans leurs jardins.

Ces serpents étaient respectés, et parfois nourris par leurs logeurs. Ils n’étaient pas très craints, car chaque famille avait des piqures d’antidotes. Leur crainte était plutôt les vipères à cornes, dont la piqure est mortelle en quelques minutes et pour laquelle les antidotes étaient bien plus rares.

A part chez des Artistes de rues, nous n’avons jamais été confrontés à ce genre de bestiaux.

A Sindri il n’y avait pas d’hôtel, nous étions logés dans le Guest House du client.

Chambres individuelles avec salle de bains, mais avec comme colocataires des geckos, sorte de lézards plats que l’on trouve également dans le sud de la France.

Heureusement, les lits étaient équipés de moustiquaires, car ces petites bestioles ont parfois la sale habitude de se laisser tomber du plafond auquel elles sont accrochées.

 

serpent guest house 3-4.jpg

                    Un charmeur de serpents                                       Devant la Guest-House

 

En général nous restions une dizaine de jours sur place et passions nos journées en réunion chez le client. Le matin, un chauffeur nous récupérait pour nous emmener au bureau et nous ramenait le soir.

A chaque séjour nous avions le même chauffeur, et nous avions finis par sympathiser, d’autant plus que chaque soir, quand il nous ramenait, je lui donnais une cigarette Gitane qu’il me disait fumer avec plaisir le soir après sa journée de travail.

Un jour, avant notre départ, il m’a fait cadeau d’un grand sachet avec des choses ressemblant à de petits artichauts séchés en m’assurant que je devais mélanger cela au tabac des gitanes, que c’était bien meilleur.

J’ai pris ce cadeau, ne sachant pas trop ce que c’était. En fait il s’agissait de cannabis, qui devait provenir de sa culture personnelle. Ne me voyant pas débarquer avec ça à Orly, le cadeau a fini dans les toilettes de l’Intercontinental de Dehli.

A part cela il n’y avait strictement rien à faire. Pas de télé, moins encore de cinémas, et, hormis des balades et la lecture, nous n'avions pas beaucoup de distractions.

Heureusement, les indiens étant des gens très conviviaux et nous étions régulièrement invités à diner, ou à déjeuner le dimanche, chez nos interlocuteurs. 

C’était des moments très sympas, ou souvent toute la famille était présente, mais surtout des moments de découverte de la véritable cuisine indienne que j’ai appris à apprécier. 

Une année nous étions à Sindri au mois de novembre où a lieu une des fête les plus importantes dans le monde indien, la fête des DIVALI, encore appelée Fête des Lumières(Plus d'infos ICI).

Pour ceux qui auront la patience de lire cet article assez long, il donne une assez bonne image de la philosophie, des traditions et des croyances Indiennes.

A cette occasion, les familles se rendent visite, s’offrent des cadeaux, et, dans la région de Sindri, boivent un breuvage qu’ils appelaient Bhan, en fait du lait de buffle dans lequel on avait fait macérer différentes épices et, je pense, aussi quelques unes de ces fleurs d’artichaut, car après la tournée des amis nous planions assez haut, et étions complètement euphoriques.

Pour cette journée nous avions eu droit aux peintures de rigueur

A cette occasion, notre patron, le Directeur Commercial et Financier de notre société, (à ma droite), nous avait rendu visite. 

 

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                    Chez nos amis indiens                                 Arsène Hartzer (au centre)

 

Pour nous soutenir dans notre Mission il nous avait ramené, de la Ferme d’Orly, un Magnum de whisky, 1 Kg de Roquefort et quelques camemberts. Il faut l’imaginer trimbalant tout cela, en cabine, et dans le Coal Field Express pendant 3 jours de voyage ! Je peux vous assurer que les chapatis au Roquefort passent très bien avec le Whisky. (Pour en savoir plus CLIQUEZ ICI).

En fait, c'était un Patron à l’ancienne qui savait motiver ses troupes. Merci à lui pour tout ce qu’il nous a appris !

N'oublions pas qu’à cette époque, nous n'avions ni ordinateurs, ni portables, mais seulement des liaisons téléphoniques lointaines très aléatoires.

 

 

Nos seuls contacts consistaient à demander au client d’envoyer un Télex à la boite pour dire que nous étions arrivés à bon port, et nous faisions la même chose au retour pour dire quand nous arriverions à Paris. Notre société se chargeant de transmettre l’information à nos familles. Le reste du temps, blackout total.

Inimaginable, et vraisemblablement inacceptable de nos jours. A suivre...

 

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10/01/2023

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